Les habitants d'une commune rurale du Gard qui, avec le soutien du maire, rédigent une pétition afin de préserver l'existence de leur bureau de poste, menaçant de retirer tous leurs avoirs en cas de fermeture. Un groupe d'élus ruraux de Haute-Saône qui ont dû, au printemps, recourir à la menace de ne pas organiser le référendum dans leur commune pour obtenir la révision d'un projet de fermeture de plusieurs classes et la suppression de postes d'enseignants , en dépit d'une hausse des effectifs scolaires. De tels exemples de résistance à l'abandon des territoires ruraux par les services et entreprises publics ne manquent pas. Regroupements d'administrations, fermetures d'écoles, suppressions de maternités, éloi- gnement des services de premiers secours... la réorganisation des services publics s'exerce au détriment des zones rurales, et plus particulièrement des plus fragiles, laissant les élus ruraux désarmés face au désengagement de l'Etat.
«De nombreux territoires ruraux se repeuplent, se dynamisent, à un moment où le démantèlement des services publics s'accélère, nous sommes dans une situation paradoxale », commente Paul Durieu, maire de Camaret-sur-Aigues, dans le Vaucluse. Il vient de rendre public le rapport sur les travaux de la Conférence nationale des services publics en milieu rural, qu'il préside. C'est dans ce cadre que représentants de l'Etat, opérateurs de services publics et élus locaux se sont réunis autour de la même table. « L'objectif était de dégager des pistes et de proposer une méthode pour traiter la question du recul des services publics et de travailler ensemble pour mettre fin à un climat de méfiance justifié par l'absence de concertation avec les élus, pourtant les premiers concernés», explique-t-il.
Sur le plan de la méthode, le rapport préconise une approche globale et non plus sectorielle. Il s'agit d'éviter que, dans un département, chaque administration (DDA, DDE, académies, perceptions-trésoreries...), chaque entreprise publique (La Poste, EDF...) n'organise sa propre restructuration sans souci de cohérence pour les territoires concernés. « Nous travaillons sur une charte qui vise à fixer les règles du jeu : mettre le préfet au centre des projets afin qu'ils soient élaborés au plus près des réalités du terrain et réaffirmer les principes d'égalité des territoires, en termes de qualité, de proximité et d'accessibilité des services publics », martèle Paul Durieu.
Le temps de la concertation
Pour permettre à la Conférence de travailler sereinement, le Premier ministre avait accordé, dans une circulaire signée en mars 2005, une manière de répit aux campagnes en demandant aux préfets « de renoncer à toute réorganisation entraînant une suppression ou une réduction significative du service public en milieu rural, sauf accord auprès des élus concernés ». Cette concertation préconisée, et réclamée par les élus locaux, a plus ou moins été suivie selon les endroits. La Poste elle-même, jusqu'alors largement décriée pour son manque d'écoute, s'est engagée dans la voie de la concertation, à l'initiative de son président, Jean-Paul Bailly. Ainsi a-t-elle signé avec l'Association des maires de France un protocole d'accord concernant l'organisation des agences postales communales et intercommunales, qui prendront le relais des bureaux postaux. Pour assurer le maintien du service postal, l'agence communale recevra, en contrepartie de 60 heures d'ouverture mensuelle, une indemnité compensatrice de 800 € par mois et même de 900 € en zone de revitalisation rurale.
Concertation avec les élus, définition des besoins de la population, diagnostic de l'offre de services publics, la méthode proposée par la Conférence nationale des services publics en milieu rural semble recevoir l'aval des pouvoirs publics. Mais qu'en est-il du financement indispensable au maintien de ces services? Eric Schietse, directeur de l'Association des maires ruraux de France, s'interroge : « Certes, le milieu rural est devenu à la mode. Il suffit de voir les rapports de la Datar (1) sur l'attrait des territoires ruraux, le rêve de campagne des citadins en mal d'espace, c'est un véritable mouvement de fond. Seulement, y a-t-il une réelle volonté d'aider à la reconquête de ces territoires?»
Financer le coût du maintien
Car le coeur du problème reste le financement: «On ne peut pas faire peser le coût du maintien des services publics sur des communes rurales dont les budgets sont insuffisants. Grâce à la loi sur le développement des territoires ruraux, des outils existent pour permettre aux communes, par exemple, de créer des maisons de santé en accordant des exonérations de taxe professionnelle. Par ailleurs, on leur dit: "Si vous voulez garder un service postal, financez-le, si vous voulez internet à haut débit ou un relais de téléphone mobile, prenez l'installation à votre charge, si vous voulez scolariser les enfants de moins de trois ans, financez des crèches... "Bref, c'est aux petites communes de mettre la main à la poche pour obtenir des équipements ou des services dont les villes disposent gratuitement.»
Les élus ont l'impression que les projets de réorganisation sont préparés avec l'unique arrière-pensée de faire des économies et non pas d'obtenir un maillage plus efficace des services publics. Il n'existe pas d'étude sur le coût du maintien de ces services dans les territoires les plus fragiles. «Sauf pour La Poste, mais cela nous rend sceptiques. Un rapport a estimé à 500 millions d'euros le coût du maintien de la présence postale sur le territoire. Or, le projet de loi sur la régulation postale a créé un fonds de péréquation pour financer ce coût en le dotant de 150 millions d'euros. C'est un outil intéressant mais insuffisant », tempère Eric Schietse.
A ces questions de financement non résolues, s'ajoutent des craintes exprimées par les élus sur l'autonomie qui leur restera pour préparer leur budget. Une série de décisions, dont les modalités de compensation sont contestées, porte en effet atteinte à leur marge de manoeuvre en matière de fiscalité locale, voire aux ressources des communes : plafonnement de la taxe professionnelle, allègement de la taxe sur le foncier non bâti pour les agriculteurs... Les élus ne vou- draient pas que le désengagement de l'Etat se fasse sur le dos des collectivités locales.
(1) Délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale.
La Manche finance les études de ses futurs médecinsLa Basse-Normandie est confrontée à une pénurie alarmante de médecins généralistes et spécialistes, avec une densité médicale inférieure à la moyenne nationale (131 généralistes pour 100.000 habitants, contre 153 dans la France entière). Pour renverser cette tendance, le département de la Manche a pris le taureau par les cornes. Dans le but de favoriser l'installation de jeunes médecins, le conseil général a mis en place un système unique en France de bourses pour des étudiants en médecine. D'un montant maximum de 34.800 euros (versé tout au long de la scolarité), cette aide finance une partie du coût des études. En échange, l'étudiant s'engage, une fois diplômé, à exercer pendant une durée minimale de dix ans dans une «zone de carence» du département. Cinq étudiants de la faculté de médecine de Caen ont déjà été sélectionnés. |