«Nos travaux sur les densités de semis partent du constat que, trop souvent, les peuplements excessifs sont la source de problèmes sérieux comme l'élongation automnale qui favorise le phoma. Les fortes densités sont aussi plus coûteuses en intrants (régulateurs et fongicides) car le colza est plus sensible à la verse et au sclérotinia", déclare Gilles Sauzet, du Cetiom, à Saint-Florent-sur-Cher (Cher).
Deux facteurs principaux semblent expliquer ce phénomène: l'augmentation du taux de semences de ferme, qui ramène le poste à un coût dérisoire, et la volonté de bien occuper l'espace afin de lutter contre les mauvaises herbes. «Cet argument est réfutable et la stratégie se retourne contre l'agriculteur, remarque Gilles Sauzet. Du fait de la compétition entre plantes, la biomasse par plante est faible et la capacité de concurrence du colza réduite.»
Avantage aux faibles densités
Un dispositif expérimental mis en place en 2005 dans un sol argilocalcaire avec les deux lignées Aviso, à croissance lente, Canelle, à forte croissance, et l'hybride Banjo vient corroborer ce discours. Trois densités, 40, 80 et 120 graines/m² pour un écartement de 15 cm ont été testées. L'essai a été reconduit en 2006. Premier constat: une levée excellente à faible densité, moins bonne à moyenne densité, avec des pertes de 30% pour Aviso et de 15% pour les deux autres variétés. En forte densité, les trois variétés accusent une baisse de 15%. «A l'entrée de l'hiver, les pesées révèlent des biomasses par mètre carré équivalentes entre variétés et densités. En revanche, les fortes densités en ont produit deux ou trois fois moins par plante», remarque Gilles Sauzet.
Quant à la floraison, elle est décalée de huit jours entre la densité de 40 plantes/m² et celle de 80. Cet écart peut être pénalisant pour les fortes densités les années à pression importante de méligèthes, comme 2005, car les plantes qui ont du mal à fleurir subissent le plus de dégâts.
Autre différence, les densités de 80 plantes/m² produisent trois fois moins de ramifications secondaires que les plus faibles densités et le nombre de siliques est aussi trois fois moins élevé. «Les faibles densités produisent 1.000 siliques de plus par m² que les fortes densités, constate Gilles Sauzet. D'où une chute significative des rendements chez Aviso et Banjo, moins prononcée chez Canelle.» Pour une récolte le même jour, le rendement d'Aviso passe de 43,1 q/ha à 40 plantes/m² à 40,6 q/ha pour 80 plantes et 37,8 q/ha à 120 plantes. Chez Canelle, la perte n'est que de 2 q/ha entre 40 et 120 plantes/m².
De 40 à 60 graines/m²
Même si ces résultats demandent à être confirmés notamment pour Canelle, le Cetiom continue de privilégier les faibles densités de semis en insistant sur l'intérêt à placer la graine dans les conditions d'une levée et d'une croissance rapide. Quand cet objectif est atteint, dans les terrains pierreux un semis de 40 graines/m² avec les hybrides (2 kg/ha pour un poids de mille grains de 5 g) et de 60-65 graines/m² avec les lignées (3 kg/ha) est un optimum. En limon argileux ou sableux, la densité descend à 50 graines pour les lignées (2,5 kg/ha) et dans une fourchette de 30-35 gr/m² avec les hybrides (1,5 kg/ha). «Il faut garder à l'esprit que même en situation limitante, les pertes à la levée excèdent rarement 50% et que 20 pieds/m² permettent encore d'atteindre l'objectif de rendement», rappelle Gilles Sauzet.
Ces valeurs s'entendent pour des écartements entre lignes de 12 à 20 cm, sachant qu'au-delà il est préférable de réduire la densité au m² afin de rester entre 8 à 13 pieds au maximum par mètre linéaire. Quant aux écartements supérieurs à 50 cm, intéressants pour le binage, Gilles Sauzet recommande de descendre entre 15 et 25 pieds/m² et de se tourner vers les hybrides plus vigoureux au départ.
Résidus : gérer la paille«La gestion des résidus compte également beaucoup dans la réussite de l'implantation, prévient Gilles Sauzet, du Cetiom, et dans le cas de semis sans labour les outils de déchaumage doivent être capables d'assurer un mélange correct sans tas de paille dans le lit de semences. Le labour évite cet écueil mais assèche le profil.» |
Moisson de 2006 : densités correctes, rendements décevantsMalgré des densités mieux maîtrisées qu'à l'accoutumée, les rendements de 2006 déçoivent. Selon le Cetiom, divers facteurs expliquent ces échecs, notamment le gel de la mi-novembre sur des plantes turgescentes, qui a provoqué la forte proportion de pieds secs rencontrée à maturité. Méligèthes, floraison courte, mauvaise nouaison et sclérotinia mal maîtrisé ont fait le reste. |