Eric Fischer croyait sa récolte de maïs à peu près à l'abri des mycotoxines. Depuis cinq ans, moins de 5% des maïs de la région se classaient hors norme pour une des trois mycotoxines, souvent le Don (déoxynivalénol). Mais en 2006, les taux de Don ont explosé. Sur l'ensemble de l'Alsace, plus d'un tiers des maïs dépassait le seuil de 1.750 µg/kg. Avec le stress de la sécheresse, les fumonisines et la zéaralénone étaient également retrouvées, à des valeurs supérieures aux seuils qui entreront en vigueur au 1er novembre 2007.

36% d'humidité

Jusqu'à l'an dernier, Eric cultivait plus de la moitié de sa surface en maïs denté, séduit par un bon potentiel de rendement et une plus grande vitesse de dessication en fin de cycle qui permet de diminuer les frais de séchage. «Il y avait une dérive depuis quelques années vers plus de maïs dentés, donc plus tardifs, souligne Christian Lux, responsable du service technique de la coopérative Comptoir agricole. Or le point le plus important pour lutter contre les mycotoxines est d'adapter la précocité à la zone de production. Le deuxième critère est la date de récolte. Les derniers maïs fauchés peuvent dépasser le seuil de Don, tandis que les premiers sont largement en dessous.»

Les maïs cornés supportent bien d'être moissonnés assez humides (jusque 35-36%), tandis que les dentés, plus fragiles, ont tendance à s'écraser. Pour convaincre les agriculteurs de semer des maïs cornés et d'avancer la date de récolte, la coopérative a décidé de leur «offrir» cinq points de séchage en début de campagne. Ainsi, les frais de séchage d'un maïs corné récolté à 35%d'humidité seront identiques à ceux d'un maïs denté à 30%. «Je pourrai faucher plus tôt, au début d'octobre, moins matraquer le sol et mieux mettre en place le blé, se félicite Eric Fischer.» Il a donc abandonné le maïs denté et conservé uniquement des variétés cornées: une précoce, Magistral, et une demi-précoce, Sterling.

La date de semis, vers la mi-avril, n'a pas été modifiée. «En Alsace, on ne peut pas jouer dessus, affirme Christian Lux. On pourrait l'avancer d'une semaine au maximum, mais ça ne changerait pas grand-chose.»

La population alsacienne de pyrales est monovoltine. Eric la contrôle avec des trichogrammes. Cette technique est efficace, mais l'an dernier, le décalage du vol n'a pas permis aux trichogrammes de toucher toutes les pontes. Les taux de fumonosines ne se sont cependant pas envolés. Après la récolte du maïs, Eric Fischer rebroie finement les cannes pour éviter qu'elles ne servent de refuge aux pyrales, puis laboure systématiquement ses terres argilo-limoneuses profondes.

 

Des trichogrammes en lutte biologique

«Jusqu'à présent, l'utilisation de trichogrammes bénéficiait d'une aide de l'Agence de l'eau, précise Eric Fischer. L'aide est suspendue, mais je continuerai cette lutte biologique. Ça me plaît: on ne fait pas de dégâts dans les maïs et c'est bon pour l'environnement.»

 

 

Don: précédent à risque pour les blés

La moitié des 40 hectares d'Eric Fischer sont semés en maïs. Aussi ses blés viennent-ils tous après un précédent à risque. Depuis deux ans, le Comptoir agricole lui fournit une analyse des taux de mycotoxines de ses blés. En 2006, outre la variété Mercato qu'il cultivait déjà, Eric Fischer a essayé Eveil. Deux variétés de blé récentes, productives, moyennement sensibles aux fusarioses. Avec le temps sec lors de la floraison, les teneurs en Don étaient en-deçà du seuil de 1.250 µg/kg, mais la valeur d'Eveil (785 µg/kg) était supérieure à celle de Mercato (610 µg/kg), ce qui l'a poussé à ne pas poursuivre cette variété. Avec un taux de Don supérieur à 250 µg/kg, il se situait dans les 16% de la collecte. Avec des pluies à la floraison, «le risque est plus fort cette année, assure Christian Lux, du Comptoir agricole. Le seuil de 1.250 µg/kg risque d'être dépassé en TCS après maïs.»