« Nos deux retenues d'eau nous ont permis d'irriguer le maïs et même un peu d'herbe. Le rendement en maïs irrigué a alors doublé pour atteindre 16 ou 17 tonnes de matière sèche par hectare, se rappellent Valérie et Christian Laleuf, agriculteurs à Cordelle, dans la Loire, à l'ouest de Lyon. Aujourd'hui, nos cinquante vaches laitières sont nourries au maïs “fait maison”, ce qui augmente notre autonomie alimentaire et permet des économies jusqu'à 7.500 €/an. »
Dans les terres très séchantes de cette région de la Loire, l'irrigation devenait indispensable pour assurer le système de production. En Gaec avec ses parents de 1989 à 2005, Christian Laleuf s'est ensuite installé en EARL avec son épouse Valérie sur un projet de ferme pédagogique.
« Mes parents ont connu la sécheresse exceptionnelle de 1976. En 1983, un barrage sur la Loire a été construit pour apporter l'eau et permettre les premières irrigations pour les villages alentour mais seuls trois agriculteurs sur vingt-cinq à Cordelle ont montré de l'intérêt pour ce projet qui demandait un investissement financier. Le projet n'a donc pas abouti. En 1985, il y a eu une autre année de sécheresse difficile à gérer alors que mon père réfléchissait déjà à construire une retenue d'eau. En 1986, le premier cap était franchi, nous avons construit la première retenue collinaire. »
De nombreuses études topographique, géotechnique et économique, nécessaires au montage du projet, nous ont permis de creuser pour atteindre 17.000 m³ de capacité remplis grâce à la pluie et au ruissellement d'un bassin versant de 55 hectares.
Grâce à ce lac collinaire, 20 hectares sur les 84 de l'exploitation deviennent potentiellement irrigables autour de la ferme mais seulement 8 hectares de maïs peuvent être arrosés. Il en fallait un peu plus pour assurer l'autonomie alimentaire de l'exploitation en augmentant la production fourragère et la qualité du maïs. Douze ans après ce projet pionnier, une deuxième retenue de 11.000 m³ vient se greffer.
« On achetait encore régulièrement de la pulpe pour équilibrer les rations de l'élevage et on voulait aussi sécuriser notre stock de maïs. Depuis 1998, 13 hectares de maïs et jusqu'à 6 d'herbe (mélange ray-grass hybride et trèfle) bénéficient de l'irrigation. Huit hectares de maïs sec sont aussi cultivés mais plus loin des retenues d'eau. »
Cette deuxième retenue récupère, par gravité, le trop plein d'eau de celle construite en 1986, située juste au-dessus, et est aussi alimentée par le ruissellement d'un autre bassin versant plus petit.
Deux autres petits étangs de 1.000 m³ chacun ont été construits plus bas pour aménager une zone marécageuse et, en cas de grosses pluies, une pompe de refoulement transvase l'eau de ces bassins vers la retenue de 11.000 m³.
Pour l'entretien des abords, Christian en avait « assez de passer du temps à faucher l'herbe » jusqu'à la bonne idée des tondeuses naturelles : les chèvres naines.
De l'eau pour le maïs et l'herbe
« En 1998, nous avons investi dans un nouvel enrouleur et dans une pompe (30 m³ par heure de débit) qui prend l'eau de la retenue construite cette année-là et qui a remplacé l'ancienne du lac situé au-dessus », précise Christian.
Du 15 juin au 15 août, le maïs est irrigué avec quatre à sept passages de 25 à 30 mm chacun.
« Maintenant, explique-t-il, l'irrigation du maïs est optimisée. On revient plus vite qu'avant sur la parcelle, tous les six jours en moyenne, ce qui n'était pas possible lorsque la capacité de stockage en eau était moindre. Le rendement est par conséquent amélioré pour atteindre 16 à 17 t de MS/ha contre 8 tonnes en sec. »
Mais aujourd'hui, ce n'est plus la capacité de stockage qui freine l'irrigation mais directement la disponibilité en eau. Voilà deux ans que les retenues ne sont pas complètement remplies et particulièrement cette année où il manque près de la moitié du volume possible.
« Depuis deux ans, il ne tombe que 500 mm d'eau par an au lieu des 800 habituellement. Les semis de maïs viennent de se terminer. Il faut espérer que la pluie arrive régulièrement pour éviter de commencer l'arrosage tôt dans la saison, sinon nous n'aurons pas assez d'eau et le rendement sera pénalisé. Heureusement, nous avons un peu de stocks d'ensilage d'avance qui permettront de voir venir, mais si les années de sécheresse se succèdent, on aura du mal à faire la jointure sans acheter d'aliments extérieurs. »
S'il reste de l'eau, du 15 août au 15 septembre, Christian Laleuf irrigue aussi ses prairies après les avoir laissées en pâture de la mi-avril à la mi-juin. La ration est donc répartie pour 70 % de maïs et 30 % d'herbe.
« Mais d'ici à quelques années, pourquoi ne pas faire moins pâturer les vaches et semer plus de luzerne autour de l'exploitation pour valoriser davantage l'irrigation. La ration évoluerait vers 50 % de maïs et 50 % d'herbe, réfléchit l'agriculteur. Ou encore pourquoi ne pas construire une nouvelle retenue collinaire sur un autre site de l'exploitation qui compte 20 hectares à 1,5 km ? Notre région très vallonnée facilite ce type de projet. »
Les points forts | Les points faibles |
• Sécurité du système de production • Augmentation du rendement en maïs • Autonomie alimentaire du troupeau • Economie d'aliments |
• Remplissage aléatoire des retenues d'eau • Coût de l'investissement |
Un investissement rentableLa subvention du conseil général pour les études et la construction des deux retenues était de l'ordre de 50 %. Le premier bassin, de 17.000 m³, a été autofinancé par les parents de Christian Laleuf en 1986. Pour la retenue collinaire de 11.000 m³ construite en 1998, le montant de l'investissement s'élève à 54.000 euros, dont 40.000 euros pour la construction de la retenue, 6.400 euros pour les études topographique, géotechnique, économique et 7.600 euros pour le matériel (enrouleur, pompe (notre photo)). « Nous avons encore 2.000 euros d'annuités jusqu'en 2011 pour la construction. Le matériel est fini d'être remboursé. Mais avec les économies que nous faisons en mettant tout notre maïs dans la ration des vaches (près de 7.500 euros), l'investissement est rentable et d'autant plus les années où on arrose aussi de l'herbe », calculent Christian et Valérie Laleuf. |