(40.82 Ko).
Reconnaître les différents "fusaria" sur maïs"Fusarium graminearum" , à l'origine des Don et Zéa, se trahit par des soies et des spathes collées par le mycélium contre le grain. Le champignon pénètre en général par le sommet de l'épi, qui prend une couleur blanche à rose vineux. A la pression du pouce, le grain s'enfonce dans la rafle qui est pourrie. "Fusarium monoliforme" , responsable des fumonisines B1 et B2, est caractérisé par des foyers répartis au hasard sur l'épi au sein d'îlots localisés. Il apparaît souvent sur des dégâts d'insectes ou de grêle. Le mycélium est blanc (symptôme "croûte de camembert") à rose saumon. |
Des seuils supplémentaires pour l'accès aux marchés
L'entrée en vigueur de la nouvelle réglementation va introduire de nouvelles règles du jeu fort différentes des exigences qualitatives habituelles comme les protéines ou le poids spécifique.
Avec l'entrée en vigueur de la réglementation sur les mycotoxines produites au champ, une clé supplémentaire vient s'ajouter à l'épais trousseau indispensable pour déverrouiller l'accès au marché. Depuis plusieurs années, les coopératives peaufinent leur plan de bataille pour affronter cette nouvelle exigence qualitative. Car, pour les organismes stockeurs, convaincus par les analyses réalisées au cours des campagnes passées que la menace mycotoxines est sérieuse, la gestion du problème diffère en bien des points de la maîtrise du PS ou de la teneur en protéines.
Estimer le risque avant récolte
Premier obstacle: des analyses longues et coûteuses, incompatibles avec un contrôle à la benne. "Impossible d'imaginer une collecte sélective alors que nous rentrons près de 25.000 tonnes de maïs par jour à la récolte, reconnaît François de la Perrière, chez Cérégrain. Si la segmentation ne peut se faire à l'entrée, elle doit donc se faire avant."
C'est ce constat qui a conduit de nombreuses coopératives à faire appel à des modèles, développés par des firmes phytosanitaires ou par Arvalis, pour identifier en cours de végétation les zones à risques de leur bassin de collecte, en croisant des données parcellaires (travail du sol, variété, précédent…) avec les données météorologiques. En plus de permettre d'ajuster les préconisations de traitement fongicide en fonction de l'année, cette "photographie de la collecte" vise surtout à organiser l'allotement avant le coup de feu de la récolte. La marchandise issue des secteurs les plus à risque est acheminée vers des cellules ou des centres qui seront l'objet d'une vigilance accrue et où les analyses seront plus nombreuses. Les OS comptent sur cette segmentation pour ensuite trouver les débouchés adaptés, même si le flou règne encore sur les valorisations qui seront possibles.
L'alimentation animale ne sera pas un exutoire
Théoriquement, des lots non conformes pour l'alimentation humaine devraient trouver preneurs chez les fabricants d'aliment du bétail, pour lesquels les seuils, encore en discussion, seront moins restrictifs. Pourtant, beaucoup s'attendent à voir un alignement vers le haut des exigences. "L'alimentation animale ne doit pas devenir un exutoire", note Valérie Bris, du Syndicat national des industries de la nutrition animale (Snia). Selon le syndicat, les chiffres envisagés pour l'alimentation animale créeraient un grand écart entre les seuils appliqués aux matières premières et ceux, plus draconiens, imposés au produit fini.
Le projet de recommandation retiendrait ainsi une valeur maximale de 8.000 ppb en Don pour le blé entrant dans l'usine, mais l'aliment destiné aux porcs, espèce sensible, ne devrait pas excéder à la sortie 900 ppb. Les contraintes de stockage des entreprises fabriquant plusieurs types d'aliments risquent donc de pousser ces dernières à s'aligner sur la réglementation élaborée pour l'alimentation humaine. Certains grands groupes annoncent déjà prendre pour référence les seuils les plus stricts afin de "devancer l'évolution réglementaire".
Evolution des pratiques
Pour éviter de se trouver confrontés à des situations inextricables, les opérateurs ont multiplié les actions de communication auprès des agriculteurs pour faire évoluer les pratiques. Pour le maïs, l'effort porte principalement sur l'avancement de la récolte, afin que la date fatidique du 1er novembre, au-delà de laquelle le risque de développement des mycotoxines explose, ne soit pas dépassée. L'heure est à l'incitation positive, avec une prime en cas de récolte précoce, mais la mise en place de réfactions pour les retardataires est déjà évoquée. Autre durcissement: l'interdiction par certaines coopératives de pratiquer le semis direct. Le refus de benne pour le producteur aux pratiques jugées "inadaptées" reste tabou, mais la pression montera avec, probablement, un recours croissant à la contractualisation.
Il reste que, même avec l'itinéraire technique le plus rigoureux, le risque de forte présence de mycotoxines ne sera jamais écarté tant que l'homme ne contrôlera pas les nuages. Une "mauvaise année" pourrait ainsi provoquer la mise hors norme de près de 10% de la collecte nationale de blé, voire plus en maïs. Le portrait-robot de l'année catastrophe pour les maïsiculteurs: des pluies incessantes en juillet et en août, et une plante qui n'en finit pas de mûrir. Au fond, les choses n'ont guère changé: les Gaulois ont toujours eu peur que le ciel leur tombe sur la tête.
Stockage à la ferme: pas le droit à l'erreurSi les outils manquent pour réaliser des mesures à la benne au moment de la livraison, le stockage à la ferme va, lui, être mis sous haute surveillance. "L'enlèvement ne se fera qu'après agréage des lots, explique-t-on à la Toulousaine des céréales. Le marché dira quels sont les taux acceptables et les prix qui seront associés. Il y aura refus du lot stocké si les teneurs en mycotoxines empêchent leur commercialisation." Un discours qui est repris par la plupart des responsables de coopératives interrogés, et qui prouve la nécessité de gérer le stockage sur l'exploitation comme un atelier à part entière. Pour Gilbert Niquet, spécialiste du sujet chez Arvalis, "ne pas prendre toutes les précautions, c'est jouer à la loterie". Tout commence par le nettoyage des installations avant récolte pour éliminer les poussières accumulées les années précédentes et susceptibles d'êtres contaminées. S'il ne remplace pas les précautions agronomiques prises au champ, le prénettoyage par aspiration des céréales ou du maïs à la sortie du séchoir, avec un matériel à turbines, reste efficace. "Il faut surtout ne pas stocker à plus de 15,5-16% d'humidité, insiste Gilbert Niquet, et à condition de disposer d'une bonne installation d'aération. Sans ce dispositif, il ne faut pas dépasser 14%." Une fois le grain rentré, la surveillance de la différence de températures entre le tas et l'air est indispensable. Si celle-ci dépasse 8 à 10°C, de la condensation risque de se former sur la toiture, les parois, voire dans le tas, et favoriser le développement de mycotoxines de stockage. "Le juge de paix final, c'est la prise en masse", affirme l'ingénieur. Synonyme d'humidité, elle est souvent accompagnée de mauvaises surprises. |
Analyses : plus de questions que de réponses"Le principal problème qui se pose est de savoir comment réaliser des échantillons et comment gérer commercialement un résultat d'analyse." D'une phrase, Patrice Salomé, chez Cohésis, résume l'inquiétude de l'ensemble de ses collègues. « La méthode officielle de contrôle est ingérable », confirme Valérie Bris, du Snia (1). Car, en raison des très faibles teneurs recherchées et de l'extrême hétérogénéité de la répartition des mycotoxines, la quantification de celles-ci est un casse-tête. Au point que la méthode d'échantillonnage de référence élaborée par Bruxelles est totalement inapplicable en routine, à moins que plusieurs fonctionnaires de la Commission ne soient détachés à plein temps sur chaque silo pour la mettre en oeuvre. Et, même avec une telle rigueur, les analyses conservent une incertitude de plusieurs centaines de ppb, quand les seuils pour l'alimentation humaine se situent entre 200 et 2.000 ppb selon les toxines. "Cela tourne à la catastrophe pour les fumonisines: on peut mesurer 800 à 4.000 ppb sur le même semi-remorque", se désole-t-on chez Cérégrain. Les relations commerciales risquent de ne pas s'en trouver simplifiées. (1) Syndicat national des industries de la nutrition animale. |