Selon les statistiques, ils seraient environ mille deux cents professionnels à ne vivre que de cette activité en France. Des éleveurs dont certains sont à la tête d'un cheptel de... plusieurs millions d'animaux.

La transhumance se modernise

Depuis la plus haute Antiquité, certains apiculteurs déplacent leurs ruches au gré des floraisons. Cette tâche est aujourd'hui complètement mécanisée.

Les apiculteurs professionnels peuvent se classer en deux catégories : les sédentaires chez lesquels les ruches restent à demeure, au même endroit, et les transhumants qui n'hésitent pas à déplacer leurs colonies, parfois sur plusieurs centaines de kilomètres. Jean-Louis Lautard entre dans cette deuxième catégorie. Son cheptel d'environ 400 ruches passe l'hiver dans un secteur proche de l'exploitation, basée à côté de Gap (Alpes-Maritimes). Dès le mois de mars, commencent les premiers déplacements sur de petites distances. Après les mimosas qui aident au redémarrage des colonies, les abeilles vont butiner sur les bruyères blanches, le romarin et autres fleurs des garrigues. A partir de mai, Jean-Louis entame ce qu'il appelle la grande transhumance : des Alpes-Maritimes, les ruches sont transportées dans l'Ain pour la récolte de miel d'acacia. Quand cette floraison se termine, l'apiculteur les déplace encore plus vers le nord, dans le Jura où elles amassent du miel de tilleul, puis de sapin. A la fin d'août ou au début de septembre, il rapatrie ses troupes dans leur département d'origine. Mais la saison n'est pas finie pour autant ; la bruyère et l'arbousier permettent de récolter du miel jusqu'en octobre. Jean-Louis pratique aussi ce qu'il appelle la petite transhumance : les ruches restent en Provence mais sont déplacées au gré des floraisons locales, la lavande, notamment. « Grâce à la transhumance, chaque ruche me donne entre trois et cinq récoltes sur une saison. De cette façon, je produis ce que l'on appelle des miels de cru, c'est-à-dire des miels qui n'ont pratiquement qu'une seule origine florale. » Cet apiculteur met en pots et vend l'essentiel de sa production par le biais de magasins grande et moyenne surface de son département. Avec la transhumance, la récolte et le conditionnement, son emploi du temps est bien rempli toute l'année.

 

Europe : une directive qui va faire mal

Les apiculteurs français vont avoir le bourdon. Le parlement européen, a voté au début de mai, de nouveaux amendements pour la directive « miel » qui remplace celle établie en 1974. Sauf contretemps, cette directive sera soumise au vote des ministres de l'Agriculture des Quinze, en septembre. Comme pour d'autres denrées alimentaires (sucre, chocolat...), elle fixe des normes et des règles pour le miel afin d'en faciliter la libre circulation dans l'Union. Ce texte a été rédigé par la Commission européenne en consultant les représentants de la profession apicole (groupe miel du Copa-Cogeca) mais aussi des négociants. L'Europe apicole présente la particularité d'être divisée en deux : au sud les pays traditionnellement producteurs (France, Italie, Espagne, Grèce), au nord les pays gros importateurs (l'Allemagne notamment) où des milliers de tonnes de miel de toutes origines transitent par des entreprises de négoce. Le miel, pourtant produit agricole, reste d'ailleurs régi par la Direction générale de l'industrie (DG3) et non par la Direction générale de l'agriculture (DG6). Le lobby des négociants semble avoir été plus efficace auprès des instances européennes que celui des producteurs : le texte de la nouvelle directive leur laisse une grande liberté quant à l'information sur l'origine géographique et florale des miels. Ainsi, en restant dans le cadre de la nouvelle directive, un mélange de 51 kg d'un miel produit en France avec 49 kg d'un miel d'importation de n'importe quel autre pays de la planète donnera 100 kg d'un produit qui pourrait prendre la dénomination « miel de France ». Et, la tentation va être grande de jouer à ce jeu dans la mesure où, malgré des droits de douane de 20 % (prélèvements), le miel originaire de certains pays comme la Chine, l'Argentine ou le Mexique arrive sur le marché européen à des prix compétitifs. Des voix s'élèvent çà et là pour demander une révision de ces textes : « Il y aura une totale désinformation des consommateurs sur l'origine florale et géographique. C'est un texte en contradiction avec les souhaits des consommateurs et à contre-courant de la politique agricole souhaitée notamment par la France », clament les organisations professionnelles apicoles françaises. En France, le prix de gros se situe autour de 12 F le kg pour un miel toutes fleurs.

Si la directive s'applique, ces cours pourraient bien retomber au niveau d'il y a quelques années : 7 F le kilogramme.

 

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