Depuis qu'elles ont droit au tourteau maison, les deux cents chèvres de la famille Ressegand, à Château-Garnier dans la Vienne, affichent des performances laitières en hausse. « Elles en reçoivent 320 g par jour chacune lors de la traite », explique Jean-Marc Ressegand, l'un des deux frères et responsable de l'élevage. « Cela nous a permis d'opter pour un concentré de production moins riche en protéines et de réduire ainsi son coût de 17 à 14 centimes d'euros par litre. » Et en prime, les teneurs en protéines et en matières grasses supérieures à la moyenne de la laiterie donnent droit à environ 5 centimes d'euros supplémentaires par litre. « Nous avions commencé par introduire des graines entières. Mais leur forte teneur en huile limitait la proportion afin de ne pas dépasser 5 % de matières grasses dans la ration. Avec le tourteau, l'apport en protéines est supérieur. »
Un process minutieux
Riche en matières grasses, le tourteau ne se stocke pas longtemps : sa production est donc étalée sur toute l'année pour suivre les besoins du troupeau. Chaque semaine, 700 kg de colza sont triturés à froid dans une presse de type Täby 55. Un tiers d'huile et deux tiers de tourteau sont recueillis. « A raison de 40 kg de graines par heure, cela prend deux à trois jours de simple surveillance par semaine, pendant que l'un d'entre nous est présent à la ferme », explique Jean-Christophe, l'autre frère et responsable des cultures. Les graines doivent être propres et d'une humidité inférieure à 8 %. « Plus l'humidité est importante, plus il y a de dépôt dans l'huile et moins la tenue des bouchons de tourteau est bonne », a observé Jean-Marc. Ce dernier facteur a été amélioré grâce à une buse d'un diamètre de 5 mm et de 30 mm de longueur. « Ce format améliore aussi le taux d'extraction de l'huile. » Le tourteau est ensuite distribué en l'état. L'huile, en revanche, subit des purifications ultérieures afin d'être conforme à l'injection dans un moteur diesel.
Les plus grosses impuretés sont séparées en une semaine de décantation. Puis trois filtrations successives retiennent l'eau et les derniers résidus. « Cette opération demande du temps, d'autant plus que le premier filtre, métallique, demande un nettoyage périodique plutôt fastidieux à la soude. » Pour produire les 20 t de tourteau annuelles nécessaires au troupeau, il faudra presser l'équivalent de 10 ha de colza, produisant 10 000 l d'huile. A ce rythme, l'amortissement de la presse et des filtres (6 100 €) sur dix campagnes revient à 20 euros par tonne, soit 13 F par quintal de graines.
Aujourd'hui le tracteur, demain le séchoir
Le tracteur de tête du Gaec démarre au fuel stocké dans un réservoir auxiliaire. Mais dès qu'il est dans le champ et que l'aiguille de température moteur décolle, le chauffeur bascule l'alimentation sur le réservoir principal rempli d'huile. Cette opération fait intervenir un module reliant les deux réservoirs à la pompe d'injection (1). Afin de compenser la viscosité supérieure de l'huile, la pression des injecteurs a été portée de 220 à 250 bars et un réchauffeur d'huile entre en action quand la température extérieure est inférieure à 10 °C. Le filtre à huile carburant a été supprimé car il était source de pertes de puissance.
La famille Ressegand ne compte pas en rester là. Motivée par le succès de l'opération, elle envisage de sécher le foin et le maïs grain grâce à un brûleur conçu pour fonctionner à l'huile de colza. « Grâce au séchage du foin en balle, nous pourrions alors sécuriser la réussite de notre première coupe de foin et améliorer sa qualité alimentaire. Et le brûleur permettrait également de sécher nous-mêmes le maïs grain, opération sous-traitée jusqu'alors. »
(1) Module fabriqué par Jean-Pierre Barrault, tél : 06.03.46.68.46.
Obstacle numéro un : la fiscalitéSelon l'article 265-III du code des douanes, seuls certains hydrocarbures comme le fuel sont taxés pour le chauffage : l'huile végétale brute peut donc être injectée dans un brûleur sans aucun assujettissement fiscal. Mais si elle est utilisée dans un moteur, la même huile sera soumise à la taxation du carburant qu'elle remplace. En l'occurrence du fuel pour un tracteur agricole. C'est en appuyant sur cet argument que les Douanes souhaitent soumettre à la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP) l'huile vendue dans la région agennaise pour faire fonctionner des automobiles (affaire Valenergol). Jusqu'à présent, de simples utilisateurs n'ont pas été ennuyés, ni pour les voitures, ni pour les engins agricoles. Mais la menace d'une interprétation rigoriste plane toujours et s'il fallait payer une TIPP, l'économie du système s'effondrerait. Les règles du jeu pourraient évoluer si la nouvelle directive européenne sur la fiscalité des biocarburants, en préparation, favorisait autant l'huile végétale brute que les biocarburants industriels (Diester par exemple). Ce qui après tout ne serait que justice. |
Autant de puissance, moins d'émissionsLes caractéristiques des huiles végétales brutes (HVB) sont proches de celles du fuel, leur handicap résidant dans leur viscosité. En termes d'énergie disponible par litre, le fuel se place en tête. Mais la différence n'est plus significative quand les moteurs fonctionnant à l'HVB passent au banc d'essai. En effet, l'oxygène et certains acides gras, naturellement présents dans l'HVB, en améliorent la combustion. Les mesures effectuées, notamment par les Cuma du Sud-Ouest, n'ont pas révélé de différences significatives dans les performances des tracteurs, tout comme dans les courbes de mesure de puissance et de couple. Pour ce qui concerne l'auto-inflammation, mesurée par l'indice de cétane, le fuel se montre là aussi le meilleur. C'est la raison pour laquelle l'utilisation du fuel reste normalement préférable tant qu'un moteur à injection directe n'a pas atteint sa température habituelle de fonctionnement et lorsqu'il n'est pas utilisé à pleine charge. D'où l'adaptation de kits de bicarburation. L'avantage revient aux HVB pour les émissions des suies et de particules. Il y aurait une légère augmentation des oxydes d'azote (NOx), un problème qui peut être combattu par un pot catalytique. Les filières HVB présentent un rendement énergétique élevé (énergie restituée/énergie non renouvelable mobilisée), avec 4,7 pour l'huile de colza et 5,5 pour l'huile de tournesol à comparer avec 3 pour le Diester et 0,9 pour le gazole (*). Voir l'Ecobilan réalisé en septembre 2002 pour l'Ademe (http://www.ademe.fr/partenaires/agrice/htdocs/actus03.htm ). Une étude technique sur l'huile carburant a été réalisée pour la Commission européenne (http://valenergol.free.fr/ , rubrique quoi de neuf ?) |