« On parle beaucoup de développement durable, mais au niveau des pouvoirs publics et des élus, il ne se fait pas grand-chose.» Philippe Bernard sait de quoi il parle. Agriculteur et maire de Mailly-sur-Seille, une commune de Meurthe-et-Moselle de 250 habitants, il lui a fallu faire preuve de ténacité pour imposer son projet de chauffer la mairie-école au tourteau de colza.
« La difficulté vient du fait que la prise en charge des travaux est partagée entre la communauté de communes de Seille et Mauchère, pour les investissements relevant du domaine scolaire, et la municipalité, pour le reste des bâtiments communaux », explique-t-il.
Initialement, le projet devait être orienté vers un chauffage avec des plaquettes de bois, ce qui aurait permis à la communauté de communes d'occuper une équipe de personnes en insertion. Mais l'équipement était surdimensionné par rapport aux besoins de la commune et à l'importance des bâtiments à chauffer (environ 500 m2). L'idée fut donc abandonnée, mais le conseil municipal ne renonça pas pour autant à son projet d'énergie renouvelable.
Faire « tache d'huile »
Dans le cadre de la rénovation des bâtiments communaux, le conseil municipal, passant outre aux atermoiements de la communauté de communes, décida au début de 2006, en pleine période de flambée du pétrole, de s'équiper d'une chaudière danoise de marque Reka destinée à chauffer au tourteau de colza la mairie, une salle socioculturelle, quatre classes et un logement. « Ici, le tourteau de colza est plus facilement disponible que l'huile qui est utilisée pour les tracteurs », justifie M. Bernard. Les 10 tonnes de tourteau gras nécessaires seront fournies par les agriculteurs du cru, dans le cadre d'un contrat passé avec un groupe de développement agricole, le GPAS, à un prix de 150 E/t. « Ce nouveau débouché nous met du baume au coeur. Avec la Pac, nous n'avions plus de perspective », témoigne Fabrice Noirot, adhérent du GPAS. Pour que le projet de Mailly-sur-Seille fasse «tache d'huile », il propose demener auprès des communes du Val de Lorraine une enquête afin de recenser leurs besoins en matière de chauffage et les convertir aux énergies renouvelables. Une manière de proposer à la petite centaine de membres du groupe un débouché supplémentaire. « La plupart des élus restent frileux dans ce domaine. Ils ne jurent que par le fioul. Certes, l'investissement lié aux énergies renouvelables est plus élevé, mais il n'y a pas que les raisons économiques. L'enjeu environnemental est au moins aussi important », complète Laurent Choné, président du GPAS.
Coût du système retenu : 77 000 euros Le conseil municipal avait réfléchi à diverses solutions d'énergies renouvelables avant d'opter pour le tourteau gras. Toutes les options exigeaient un investissement plus élevé que la chaufferie à fioul (environ 20 000 euros HT). Ainsi, pour l'huile de colza qui nécessitait la mise en place d'un brûleur spécifique, la facture s'élevait à 36 500 euros HT. Elle grimpait à 58 000 euros pour une chaudière alimentée avec du tourteau sec (moins de 5 % de gras) et à 77 000 euros pour le dispositif finalement retenu au tourteau gras. Ce système se révèle plus coûteux, car le silo de stockage doit être équipé d'un racleur pour permettre l'alimentation de la chaudière, alors qu'avec le tourteau sec un système de stockage par gravité aurait été suffisant. « Nous avons fait le choix du tourteau gras, parce que les presses artisanales dont sont équipés les agriculteurs ne peuvent pas faire du tourteau sec », explique Philippe Bernard. La durée de retour sur investissement est estimée à six, sept ans en raison d'un coût de fonctionnement divisé par deux, soit un peu plus de 2 000 euros par an au lieu de 4 300 euros avec le fioul. |