En cette mi-octobre, des ouvriers s'activent pour terminer le bardage et la toiture de l'huilerie de Christian Hubert. « C'est la deuxième phase de mon projet, raconte ce jeune agriculteur de Beynes, dans les Yvelines (www.hvp78.com). Après avoir testé le marché en 2006, il a décidé d'enclencher la vitesse supérieure en vue de triturer à terme l'équivalent de plusieurs centaines d'hectares d'oléagineux. C'est à la fin de 2005 que sont sorties les premières gouttes d'huile de son installation de pressage. Jusqu'à présent, tout se trouvait à l'extérieur, avec l'inconvénient des variations de température et des intempéries pour les livraisons. Depuis cet automne, un hangar a été construit au-dessus de l'huilerie (voir l'infographique ci-dessous) et l'ensemble sera bientôt complété par une installation de stockage, reconvertible sans problème si l'atelier d'huile venait à dérailler.

Christian Hubert triture sa propre production (30 ha de colza et 11 ha de lin au total). Il fait également de la prestation de pressage pour des agriculteurs et redistribue ensuite l'huile carburant à ceux qui lui ont apporté les graines. Pour obtenir un carburant de qualité, il s'est calé sur la norme allemande et des analyses simplifiées d'huile sont pratiquées pour mesurer le phosphore, l'oxydation, la teneur en eau et en sédiments.

Du troc avec les éleveurs

« En fait, il y a plusieurs cas de figure, précise Christian Hubert. Les éleveurs apportent leur colza et repartent généralement avec du tourteau fermier, tout en me laissant l'huile. Dans ce cas, c'est du troc, à raison d'une tonne de graines contre deux tonnes de tourteau de colza. Les céréaliers me laissent le tourteau mais repartent avec leur huile carburant pour les tracteurs. » Grâce à cette formule, il n'a pas eu à attendre le décret de la loi d'orientation qui autorisera la vente d'huile carburant agricole entre agriculteurs au 1er janvier prochain. Il vend également du tourteau directement : à 150 € /t au départ de l'installation ou bien à 75% du prix du tourteau de soja. L'industrie de l'alimentation animale est demandeuse. Sa presse parvient à sortir un tourteau de colza à 15 % de matière grasse, apprécié par les éleveurs, même si ces derniers préféreraient des valeurs plus basses. Le tourteau de lin est, lui aussi, très demandé pour l'engraissement (tenue du poil, qualité de la viande). A l'inverse, une teneur plus élevée intéresse le marché du combustible. « Les chauffagistes s'aperçoivent que le tourteau a l'avantage de ne pas produire de mâchefer, contrairement au blé. Le seul problème réside dans son écoulement pour approvisionner les chaudières. » A 150 € /t, le kWh issu de tourteau de colza revient, selon lui, à 3,5 centimes contre 4 centimes pour des granulés de bois ou des céréales et 6-7 centimes pour du fioul.

Vendre de l'huile végétale n'est pas interdit

Tous les samedis, Christian Hubert organise une vente en bidons « d'huile alimentaire déclassée » et d'huile combustible. « Le vendeur n'est pas responsable de l'utilisation qui en est faite par la suite. C'est comme si vous interdisiez à Carrefour de vendre de l'huile parce qu'elle va finir dans le réservoir d'une voiture », précise Christian Hubert. Il juge l'attitude de l'Etat français « intenable » à l'égard des particuliers et des collectivités qui veulent rouler à l'huile alors que c'est possible chez certains de nos voisins européens. «Les clients qui viennent chez moi sont très calés sur le plan technique et juridique grâce aux sites de référence Oliomobile.org et Oliomap.com. J'attends un message fort du gouvernement pour qu'on puisse installer des pompes dans les fermes. L'agriculture y trouverait un second souffle, le consommateur une bouffée d'oxygène, l'environnement un répit et l'économie française un soutien à l'emploi. »

 

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Huile végétale : quel marché ?

Christian Hubert vend son huile végétale au minimum 0,65 €/l HT. Le prix atteint 0,75 € TTC pour « l'huile alimentaire déclassée » vendue en bidons aux particuliers. Il a recensé plusieurs débouchés : l'huile carburant pour les agriculteurs, les pêcheurs et l'exportation vers l'Allemagne et la Belgique via des courtiers, l'huile combustible (un hôpital réfléchit à la question, des particuliers commencent à le solliciter), l'huile à vocation industrielle (décoffrage, de coupe, etc.), le marché alimentaire.