« Les très fortes hétérogénéités de rendement d'une parcelle à l'autre en 2003 pourraient créer des conditions favorables aux fuites d'azote vers les eaux souterraines durant l'hiver, explique Christine Le Souder, d'Arvalis à Boigneville (Essonne). Nos mesures de reliquats le révèlent parfaitement et lorsqu'elles ont connu un bon niveau de croissance, les cultures intermédiaires pièges à nitrates (Cipan) ont pu en absorber une partie significative. » Par ailleurs, dans certains milieux, les chaleurs estivales suivies de pluies automnales ont sans doute favorisé une forte minéralisation.

« Plus que jamais, avant de démarrer la campagne de fertilisation des céréales 2003-2004 et d'établir un bilan azoté précis, l'analyse des reliquats d'azote minéral à la sortie de l'hiver devrait être la règle, insiste Christine Le Souder. Pour cela, il faut posséder des sols suffisamment profonds afin de pouvoir utiliser la tarière sur un minimum de deux horizons. Dans le cas contraire, des logiciels comme Scan et PC azote fournissent de précieuses indications. »

Des prélèvements identifiés

Les carottages s'effectuent selon les régions entre le début et la fin du mois de janvier et toujours avant le premier épandage d'engrais. En pratique, une sonde vrillée de 15-20 mm de diamètre est l'outil le mieux adapté, surtout lorsque l'on souhaite multiplier les prélèvements. Plus pénible d'emploi, la tarière convient également. La profondeur totale analysée doit correspondre à l'enracinement de la céréale.

Pour s'appuyer sur les résultats obtenus, l'échantillon doit être constitué de manière la plus représentative possible d'une parcelle de 10 ha. Il est composé d'une dizaine de carottes de terre par horizon de 30 cm, prélevées sur le périmètre d'un cercle de 20 m de diamètre dans une zone homogène. La terre récupérée est ensuite mélangée pour en conserver environ 200 g.

Aussitôt constitués, les échantillons sont identifiés. Ils doivent être accompagnés de leur fiche de renseignements, sur laquelle figurent les pratiques culturales passées et à venir. Les échantillons sont mis au réfrigérateur à 4 °C avant d'être transportés au laboratoire dans un sac isotherme.

Doser le premier apport

« Les résultats obtenus vont bien sûr conditionner la dose de base calculée avec la méthode du bilan, confirme Christine Le Souder. Ensuite, chacun devra décider soit de faire l'impasse, soit d'épandre une quarantaine d'unités maximum lors du premier apport. Selon nous, les doses plus importantes qui ont pu être valorisées lors du printemps atypique de 2003 ne se justifient pas huit années sur dix. »

Les nombreuses expérimentations montrent qu'il n'y a pas d'intérêt à trop forcer sur la première fraction. Au cours du tallage, les besoins de la plante sont faibles et sont souvent satisfaits par les reliquats du sol. Forcer sur le premier apport se traduit par un faible coefficient d'utilisation de l'azote et surtout des pertes par lessivage. De plus, l'azote absorbé à ce stade est stocké majoritairement dans les feuilles les plus âgées et est ensuite mal transformé en quintaux et en protéines.

L'un des moyens les plus sûrs pour valoriser l'azote au mieux consiste à utiliser les bandes double densité réalisées au semis dans un secteur représentatif de la parcelle. Cette technique simple et fiable repose sur le fait que le besoin azoté des plantes se manifeste beaucoup plus vite là où le blé est semé double. Lorsque la décoloration apparaît, l'azote doit être épandu sous une huitaine de jours. Dans les parcelles où la décoloration ne se manifeste pas avant le stade épi 1 cm, l'impasse au premier apport est possible.

 

Des pratiques à favoriser

 

  • Implanter des Cipan en interculture longue
  • Eviter les apports d'azote à l'automne
  • Ne pas épandre sur sol gelé
  • Pratiquer une rotation des cultures à enracinements de différentes profondeurs

 

 

 

Lessivage : des facteurs aggravants

Plusieurs facteurs aggravent le lessivage des nitrates vers les nappes souterraines.

Des précipitations abondantes durant l'automne et l'hiver et le maintien de sols nus lors d'intercultures longues sont sources de pollution.

Ce phénomène est aggravé dans les sols et sous-sols filtrants et lorsque la fertilisation minérale est excessive.

Les épandages organiques surabondants sont également à proscrire.

Enfin, le travail du sol en été favorise la minéralisation de l'azote organique qui peut ensuite être lessivé.