On craignait le pire. Il a été évité. Entre la voiture jaune et la formation obligatoire pour la conduite du véhicule, l'application aux véhicules agricoles de la première version de l'arrêté sur la circulation des convois semblait impossible. Après plus d'un an de débats avec le ministère des Transports, les organisations professionnelles agricoles ont réussi à obtenir un texte beaucoup plus proche de la réalité du métier. " L'objectif n'est pas de signer un arrêté strict que personne ne peut respecter, rappelle Jean-Marie Lefort, vice-président agricole des Entrepreneurs des territoires. Nous voulions un texte plus souple et plus simple que tout le monde puisse appliquer. "

Deux mois pour s'équiper

Même s'il comporte encore quelques points délicats, le nouvel arrêté satisfait les responsables de la profession. Le texte définitif devrait être signé dans les prochaines semaines. Une fois cette formalité effectuée, les agriculteurs et les entrepreneurs disposeront de deux mois pour se mettre en conformité, notamment en ce qui concerne la signalétique. Les organisations professionnelles travaillent actuellement à la réalisation d'une plaquette d'information qui sera diffusée auprès de tous les agriculteurs une fois que l'arrêté sera signé. Les forces de l'ordre n'étant pas toujours parfaitement au fait des détails de ces règlements, il sera fortement conseillé d'en conserver un exemplaire dans chaque automoteur pour se défendre en cas de contrôle. Pour l'heure, la priorité est de se procurer les fameux panneaux rouge et blanc avant l'épuisement des stocks au printemps.

1. Une classification qui simplifie les déplacements

"Notre objectif était de permettre à un agriculteur de rouler avec sa herse de 3 m sans voiture pilote, explique Philippe Estanove, directeur du BCMA (Bureau commun du machinisme agricole). La main-d'oeuvre se raréfie dans les exploitations et personne ne peut employer un salarié pour conduire le véhicule d'accompagnement. " La nouvelle réglementation distingue maintenant quatre catégories de véhicules. Les convois de moins de 2,55 m de largeur sont uniquement tenus de respecter le code de la route. Lorsque la largeur est comprise entre 2,55 et 3,5 m, le convoi est classé dans la catégorie A et peut circuler sans véhicule d'accompagnement. De 3,5 à 4,5 m de largeur, le convoi entre dans la catégorie B. Sa vitesse est limitée à 25 km/h et il est obligatoirement accompagné d'une voiture pilote munie du nouveau panneau "convoi agricole".

Le jumelage entre dans la catégorie A

Au-delà de cette largeur, l'engin est considéré comme convoi exceptionnel et sa circulation nécessite une autorisation préfectorale.

"La mise en place de la catégorie A est une réelle avancée, insiste Philippe Estanove, car elle autorise la circulation d'un semoir de 3 m, d'une remorque à voie élargie ou d'une moissonneuse-batteuse cinq secoueurs sans véhicule d'accompagnement."

Autre point positif du nouvel arrêté, les tracteurs équipés de roues jumelées seront considérés comme appartenant à la catégorie A si leur largeur n'excède pas 3,50 m. Pour les remorques jumelées, la largeur acceptée pour entrer dans la catégorie A est de 3 m.

2. Attention à la longueur des charges

Un convoi dont la longueur est inférieure à 22 m entre dans la catégorie A. La catégorie B regroupe les convois dont la longueur est comprise entre 22 et 25 m. Le nouvel arrêté clarifie le vide juridique sur la différence entre les outils et les charges (paille, bois...). Les outils portés peuvent dépasser de 4 m au maximum à l'avant et de 7 m à l'arrière. En revanche, la réglementation sur la charge est nettement plus restrictive puisqu'elle ne peut dépasser que de 3 m à l'arrière. Plus problématique, la charge n'a pas le droit de dépasser l'aplomb du tracteur ou de l'outil à l'avant. Ainsi, l'agriculteur est en infraction si la balle de paille qu'il transporte sur son chargeur dépasse de la fourche. Sur le tracteur, l'aplomb est mesuré directement aux rotules. Pour l'outil, c'est l'extrémité de ce dernier qui est prise en compte, c'est-à-dire le bout des dents dans le cas du chargeur frontal.

3. Une nouvelle signalisation pour le véhicule d'accompagnement

Le véhicule d'accompagnement est obligatoire pour les convois qui dépassent 3,50 m de largeur ou 22 m de longueur. Cette voiture ne peut pas être remplacée par un tracteur agricole ou un quad mais par un fourgon, une camionnette ou un véhicule privé sans remorque.

Néanmoins, la voiture doit être suffisamment maniable pour pouvoir faire demi-tour rapidement afin d'aider le convoi à circuler dans les zones difficiles. L'arrêté n'impose pas de couleur particulière pour ce véhicule. En revanche, il est impérativement muni du panneau " convoi agricole " qui doit être visible de l'avant et de l'arrière. La voiture d'accompagnement doit porter au moins un gyrophare, qui doit être visible à 50 m. Quand celui-ci est masqué par le chargement, il est complété par un deuxième gyrophare à l'arrière du convoi. Le chauffeur doit rouler les feux de croisement allumés de jour comme de nuit. Le véhicule pilote précède le convoi, sauf sur les routes à chaussées séparées, où il est en protection arrière. Pour les passages de points difficiles de faible longueur (carrefour, pont), le véhicule pilote doit être placé de façon à avertir les autres usagers. Les conducteurs de la voiture pilote ne seront pas tenus de suivre une formation spécifique. En revanche, ils devront être munis d'une fiche d'information du ministère des Transports sur l'accompagnement d'un convoi. Avant de prendre la route, il est obligatoire de désigner un responsable de convoi, qui sera chargé de veiller au respect du code de la route et du code du travail, et assurera la sécurité des usagers de la route. Ce responsable devra obligatoirement parler et lire le français, notamment pour les échanges avec les forces de l'ordre. Pour les trains de convois, il sera tenu de faire respecter une distance de sécurité de 150 m entre deux convois, réduite ponctuellement à 50 m lorsque la visibilité diminue.

4. Des convois mieux signalisés

Les convois du groupe A ou B pourront circuler sur la voie publique s'ils signalent de jour comme de nuit leur présence par leurs feux de croisement et des gyrophares (au minimum 1, au maximum 4). Au moins un gyrophare doit être visible dans toutes les directions pour un conducteur placé à 50 m. Les dépassements seront indiqués par des panneaux rectangulaires barrés rouge et blanc. Ces panneaux réglementés pourront être substitués par des autocollants de caractéristiques équivalentes.

Pour les dépassements en largeur, c'est-à-dire au-dessus de 2,55 m, deux panneaux ou à défaut deux feux d'encombrement doivent être placés aux extrémités latérales vers l'avant du véhicule et deux autres aux extrémités latérales vers l'arrière. Pour les outils portés arrière dont la longueur est comprise entre 1 et 4 m, un panneau sera fixé de chaque côté de l'outil et un autre sera placé à son extrémité.

Le chargeur n'échappe pas à la règle

Pour les outils portés avant comme un chargeur frontal ou un tasse-avant, les mêmes règles sont applicables, avec deux panneaux latéraux et un panneau frontal. Dans le cas où l'outil porté arrière entraîne un dépassement supérieur à 4 m mais inférieur à 7 m, il faudra un panneau de plus sur le côté. Chaque signalisation latérale sera accompagnée par un catadioptre orangé pour renforcer la mise en évidence du dépassement.

5. Zone de circulation limitée

Cette partie de l'arrêté concerne surtout les entrepreneurs de travaux agricoles, qui sont fréquemment amenés à circuler en dehors de leur département d'origine. Les textes indiquent que les convois et trains de convois peuvent circuler librement dans leur département d'origine et les départements limitrophes.

En dehors de cette zone, les véhicules et matériels agricoles ou forestiers doivent justifier d'un contrat de travail dans le département où ils circulent. Autrement, ces convois doivent être transportés sur des porte-engins. Dans ce cas, la zone de circulation devient le département de point de chute du convoi et ses départements limitrophes.

"Ces mesures visent à sécuriser la saison des récoltes. Le but des pouvoirs publics était de limiter le nombre de véhicules lents sur les routes à forte affluence. Les déplacements seront dans l'ensemble facilités mais le retour sera un peu plus difficile", confie Jean-Marie Lefort.