«Ce que je cherche à faire, c’est remettre en route le cycle naturel des cultures ainsi que de préserver la vie des sols. Les insecticides de plein champ ont forcément un effet sur ceux qui vivent dedans. Leur utilisation détruit cette petite faune auxiliaire. Par conséquent, mon objectif est de stopper complètement le recours à ce type de produits. »
Dominique Jacques est polyculteur-éleveur sur 180 ha en Moselle. Il s’est lancé dans l’agriculture de conservation, il y a un peu plus de vingt ans. Il a arrêté le labour en 1995 et démarré le semis direct en 2004. Il a parallèlement mis en place des couverts végétaux à base de féverole, tournesol, phacélie avant l’orge de printemps, et d’avoine, trèfle, moutarde d’Abyssinie avant maïs. Les rotations ont été allongées, passant de quatre cultures à six, dont deux de printemps : escourgeon, maïs, orge de printemps, colza, blé, tournesol.
En ce qui concerne les engrais, l’agriculteur est contre le « tout-chimique » : « L’azote organique est mieux assimilé que celui minéral. Éleveur, je bénéficie de fumier pour les cultures, ce qui rentre dans ma logique de préservation des sols. Grâce à ce fertilisant organique et aux couverts, il y a un effet tampon et les résultats techniques sont lissés dans le temps.
Dans cette région, les sols sont séchants, d’où l’intérêt de disposer d’une bonne réserve en eau, favorisée par le non-labour. Tous les trois à quatre ans, je fais pratiquer des analyses de pH et de taux de matière organique, qui me confortent dans mes choix. »
Variétés résistantes à la JNO
Afin de limiter, voire supprimer les traitements insecticides, Dominique a installé ce qu’il appelle des « parades ». En blé, il retarde les dates de semis jusqu’au 5 octobre, pas avant, et répand en général vers le 10-15 octobre (en Lorraine, les dates sont plus précoces, NDLR). Sur colza, avant la culture, il réalise un semis de féverole. Cette légumineuse a l’avantage de perturber les insectes, comme le charançon du bourgeon terminal. « La féverole a un double intérêt, souligne-t-il, car elle capte aussi l’azote de l’air. » Sur colza toujours, il utilise une variété « leurre », Alicia, sur 5 % de la surface. Celle-ci a la particularité de fleurir précocement, déboussolant les méligèthes. En escourgeon, son choix s’oriente vers des variétés résistantes à la jaunisse nanisante de l’orge (JNO), comme Amistar et Coccinelle.
« Toutes ces pratiques sont des leviers qui sont simples à intégrer, estime-t-il. C’est une vraie satisfaction de savoir que mon sol est vivant. Les cultures sont aussi plus solides. Je n’applique plus d’antilimaces depuis plusieurs années. Et je ne suis pas ennuyé, les prédateurs de ces ravageurs jouent mieux leur rôle. »
Il arrive à Dominique de ne pas employer d’insecticide, persuadé que c’est sans effet. « Sur cette campagne, j’ai traité une seule fois sur l’ensemble de mes cultures. Aucune fois l’année précédente. On assiste de plus en plus à des phénomènes de résistance, alors autant s’en passer », résume-t-il. Dans le réseau chambre, il compare ses résultats économiques à ceux de son groupe et constate que ses marges sont correctes.
Des marges correctes
Effet d’année, sécheresse ou limitation des insecticides… L’agriculteur a connu, début juillet, un souci en limite d’une parcelle de blé : une invasion de forficules (ou pince-oreilles) dans les jardins et les maisons. « Le maire et les riverains m’ont demandé de traiter mais je n’en avais pas le droit et aussi pas l’intention. Avec la possible mise en place des ZNT dans mon secteur où l’emprise urbaine est forte, je risque de rencontrer de plus en plus fréquemment ce problème. Comme je travaille aussi sur la réduction des herbicides, je m’interroge de plus en plus sur le bio… »
Dominique Péronne