«La sécheresse de 2018 qui m’a obligé à acheter pour 45 000 euros de nourriture et l’incitation de notre laiterie à produire plus de matières grasses m’ont motivé à revoir mon système d’alimentation du troupeau », explique Damien Samain, qui livre 1,25 million de litres de lait à la laiterie H. Triballat, à Rians (Cher). Une étude a été conduite conjointement avec la laiterie, la chambre d’agriculture, le Ceta Lait et l’Institut de l’élevage pour introduire la betterave fourragère dans l’assolement de l’exploitation et l’alimentation du cheptel.
« Des vaches en bon état »
« Dès 2019, j’ai remplacé 15 ha de blé par 15 ha de betteraves, suivis de 15 ha en 2020 et 17 ha en 2021 », poursuit l’éleveur. Il a dû organiser la chaîne de production et de distribution de cette culture nouvelle. Pour ce faire, un semoir six rangs et une arracheuse ont été achetés d’occasion en copropriété avec un voisin. Damien a aussi investi à titre personnel dans une nettoyeuse-broyeuse en poste fixe (19 000 €). « Je voulais garantir un nettoyage efficace avec l’élimination de la terre et des pierres ainsi qu’un broyage des bulbes avant leur introduction dans la mélangeuse. Je préserve ainsi les couteaux de la mélangeuse tout en assurant un bon mélange des différentes matières premières et une bonne digestibilité des betteraves. Je broie en moyenne trois tonnes par jour. » La ration journalière, distribuée en deux fois et rapprochée trois à quatre fois par jour, compte (en kilos bruts) 15,5 kg d’ensilage d’herbe, 1 kg de paille, 33 kg d’ensilage de maïs, 20 kg de betteraves, 1,7 kg de tourteau de colza, 2,2 kg de tourteau de soja, 200 g de minéraux et 160 g de calcium par vache. « J’ai ajouté les betteraves à la ration existante sans en faire un aliment de substitution. Les effets sur les taux ont été immédiats. »
Les taux protéique et butyreux ont augmenté de près de deux points chacun avec une incidence financière immédiate sur le prix du lait (voir l’infographie). « Les évolutions des taux sont à la hauteur de ce que j’espérais, commente l’exploitant, qui remarque aussi un très bon état général des vaches. Leur poil est brillant. La ration est visiblement très bien digérée car on ne retrouve plus du tout de maïs dans les bouses. Les effets ne peuvent qu’être favorables sur les performances de reproduction. »
La conduite de la culture n’a pas posé de problème majeur, moyennant une surveillance assidue incluant trois désherbages et un traitement insecticide au stade quatre feuilles. Les semis sont réalisés au 20 avril pour des arrachages échelonnés du 15 août au 11 novembre. « Contrairement au maïs, cette plante a une extraordinaire résistance au manque d’eau. Les betteraves repartent en végétation dès les premières gouttes de pluie. Le rendement a atteint 75 t/ha en 2020 et 85 t en 2021, qui a été une année pluvieuse. » Les betteraves sont conservées en tas sur des plates-formes extérieures. Elles sont sensibles aux gelées et aux fortes chaleurs. Leur distribution est réalisée du 15 août au 1er juin. « Les taux protéique et butyreux restent à leur niveau élevé toute l’année », se réjouit Damien.
Un « aliment santé »
Très appétante et peu encombrante, la betterave apporte de l’énergie sous forme de sucre et de cellulose digestible. « C’est un “aliment santé” pour les bovins, commente Jean-Philippe Garnier, de la chambre d’agriculture de l’Allier et animateur du Ceta Lait de l’Allier. Cette production techniquement exigeante est résistante au manque d’eau qui affecte régulièrement le département l’été. Elle représente une piste d’avenir pour répondre plus globalement au changement climatique dans le cadre du programme AP3C. » Pour Damien, « son introduction s’est faite dans une logique de rentabilité et de qualité qui caractérise mon système. C’est un virage que je ne regrette pas. »
Monique Roque Marmeys