Dans le secteur du Barrois où est située l’exploitation de Brice et Jonathan Bouchot, à Méligny-le-Petit, dans la Meuse, les conditions pédoclimatiques sont limitantes. Avec une altitude qui varie entre 250 et 400 mètres, l’éventail des cultures possibles est réduit : colza, blé, orge de printemps et un peu d’avoine. C’est en 2013 que les deux frères décident de s’orienter vers l’agriculture de conservation.

Suppression de l’orge d’hiver

« Nous avons des parcelles en pente, sensibles à l’érosion, expliquent les associés de la SCEA de la Clé des champs. Supprimer le travail de la terre et avoir des sols couverts toute l’année nous a permis d’améliorer leur structure. Ce changement de système s’est accompagné de la suppression de l’orge d’hiver, afin de réduire les problèmes de désherbage. Depuis, nous sommes beaucoup moins ennuyés avec le brome. C’est aussi l’état de salissement qui guide les successions culturales : nous pouvons faire deux blés de suite si une parcelle est bien propre. Ainsi, lorsqu’il y a des graminées mal maîtrisées derrière un colza, nous allons plutôt semer une orge de printemps. »

Le travail du sol a été abandonné au profit d’une gestion technique des résidus de récolte. Pour ce faire, les agriculteurs ont changé leur matériel : « Nous avons investi dans une faucheuse portée, que nous passons juste après la récolte, pour limiter les soucis avec les campagnols. Puis, nous utilisons une herse à paille de 7,5 mètres, portée également, afin de répartir les résidus sur le sol et favoriser les repousses et les adventices. » Cet outil a aussi une action sur le sol, mais plus limitée, puisqu’il pénètre au maximum à 1 cm. De plus, l’exploitation a investi dans un broyeur de 6 mètres, afin d’accélérer les débits de chantier. « Cela nous fait de grosses pointes de travail, confie Brice. Mais, d’un autre côté, nous gagnons en efficacité. »

Après, tout dépend de la pluviométrie à l’automne. S’il pleut, avec des repousses et la présence d’adventices, les agriculteurs ont recours à une destruction chimique en interculture. La dose de glyphosate utilisée – qui va de 1 à 2 l/ha – et le nombre de passages varient en fonction du développement des plantes. Si l’humidité est insuffisante pour faire relever les adventices, les semis sont décalés ou reportés au printemps. Dans le cas où la parcelle est semée à l’automne, un passage avec un désherbant racinaire est effectué après les semis avant ou après une pluie.

Différents couverts

En 2013, les deux frères ont fait l’acquisition d’un semoir à dents Claydon, inspiré du strip-till pour le semis direct. Puis un second en 2018, Amazone Primera, à dents aussi mais qui réalise un travail plus superficiel. « Utiliser ces deux semoirs permet de s’adapter au type de sol, s’il y a moins de terre, plus de cailloux, et aux conditions de l’année, précise Brice. Nous les employons sur environ la moitié des surfaces chacun. Celui à dents plus profondes fait du bon travail dans les argiles. »

Les dates de semis sont classiques pour le blé, entre le 20 septembre et le 1er octobre. En revanche, le colza est semé très précocement, début août, pour que son développement le rende moins sensible aux bioagresseurs.

Des essais de plantes compagnes avec le colza ont été réalisés, avec des résultats divers. « La luzerne induisait des pertes de rendement, le mélilot des difficultés à la récolte, souligne Brice. La féverole oblige à avoir une organisation plus complexe des chantiers de semis du colza, du fait de la taille des graines. Cette année, nous essayons le fénugrec et le trèfle d’Alexandrie. Pour les couverts d’interculture, les mélanges vesce-moutarde d’Abyssinie fonctionnent bien. Sachant que notre objectif est de produire de l’azote organique, afin d’être moins dépendants et limiter les apports d’azote minéral. »

L’exploitation fait partie du GIEE Adam (1), dont Brice est le président. Celui-ci regroupe dix-huit exploitations aux typologies variées, de polyculteurs-éleveurs à céréaliers purs. « Notre objectif n’est pas d’appliquer des recettes toutes faites, explique l’agriculteur. Certains labourent encore, par exemple. Quatre journées de formation sont organisées par an, trois techniques et une économique. Nous faisons, notamment, intervenir Konrad Schreiber, spécialiste de l’agriculture durable. Il y a eu des sessions sur les bas volumes, les colzas associés, les techniques de fertilisation, des échanges avec d’autres groupes. Le GIEE nous aide à être plus autonomes, moins dépendants des conseils extérieurs, à prendre les bonnes décisions. »

Dominique Péronne

 

(1) Groupements d’intérêt économique et environnemental Agriculture durable autour du Martancel, un petit cours d’eau local.

 

 

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