Le cidre commence à bouillir dans la cuve placée au-dessus de la chaudière à bois qui crépite. Et déjà les premiers effluves d’alcool se répandent dans l’air. Sylvie Heuveline, la distillatrice, pose machinalement la main sur la colonne de refroidissement pour en mesurer la température. Elle fait corps avec la machine. Odeurs, bruits, chaleur… tous ses sens sont en alerte avant même que les instruments de mesure (manomètre, alcoomètre) ne se mettent en route.
Ce savoir-faire lui a été transmis par son père, Francis, distillateur ambulant avant elle. « J’apprends tous les jours auprès de mon alambic, il faut des années pour réussir la précieuse alchimie », assure Sylvie, 48 ans, qui a repris cette activité en 2009. Rien ne prédestinait l’hôtesse de caisse installée en région parisienne à revenir au pays.
« Mon bel alambic me permet de produire un alcool de qualité. »
« Mon papa a pris sa retraite. J’ai décidé d’assurer la relève pour ne pas laisser tout ce patrimoine disparaître », raconte celle qui a grandi au pied du bel outil. Depuis onze ans, elle est aux commandes de Capucine, le surnom de cet alambic qui date de 1977. D’avril à novembre, elle sillonne la campagne d’Ille-et-Vilaine, en débordant sur la Mayenne et les Côtes-d’Armor limitrophes, et visite près d’une soixantaine de communes avec sa machine mobile.
Gnôle, lambic, calvados ou goutte
Les bouilleurs de cru, nom donné aux propriétaires de vergers qui viennent faire distiller leur production, arrivent à tour de rôle selon un planning bien rodé. « Ils apportent leur “vieux cidre” conservé dans des fûts ou des barriques, une brouette de bois et leurs bonbonnes pour repartir avec leur précieux breuvage. » L’artisane du cidre est fière de son produit : « Gnôle ou lambic en Bretagne, calvados en Normandie ou goutte, quelle que soit l’appellation qu’on lui donne, l’eau-de-vie permet encore aujourd’hui de nombreuses préparations : liqueurs, apéritif (pommeau), digestifs, grogs. » Les propriétaires ont le droit de faire distiller 220 litres de cidre entre le 1er septembre et le 31 août de l’année suivante. « Ce sont pour la plupart des retraités agricoles. Nous voyons toutefois arriver de nouveaux clients qui veulent transformer leurs propres récoltes. Ils retrouvent le plaisir de faire », se réjouit Sylvie.