Du haut de la montagne couverte de bruyères qui constitue son exploitation, Vincent Jacquinet rayonne. Son BTS agricole en poche, il a été berger en Lozère, dans les Pyrénées-Atlantiques et en Aveyron, avant de revenir en Corrèze. Le quarantenaire élève aujourd’hui 350 brebis de race limousine à Saint-Yrieix-le-Déjalat, où il a acheté une ferme.

« Depuis l’adolescence, je suis touché par le côté sauvage du plateau de Millevaches et par l’omniprésence de l’eau (1) », dit-il. En 2011, Vincent obtient son brevet d’État d’accompagnateur en montagne. Avec un collectif de guides (lire l’encadré), il se penche sur l’élaboration du circuit Retrouvance, qui traverse le plateau du sud au nord sur 95 kilomètres, non balisés et ponctués par des maisons forestières transformées en gîtes. Une fois par an, son père, technicien agricole à la retraite, le remplace à la ferme. Vincent part alors guider les randonneurs pendant six jours en itinérance, de tourbières en cascades et jusqu’aux sources de la Vienne. « J’adapte mon discours en fonction de ce que nous voyons sur le chemin : les plantes comme le droséra carnivore, la molinie bleue et la linaigrette, le milieu aquatique, les oiseaux… », raconte-t-il.

Veiller sur un territoire

L’éleveur organise aussi une vingtaine de randonnées à la journée, pour le Village vacances d’Égletons, à 10 minutes de chez lui. « Cela crée un lien social avec des personnes extérieures à la région, souligne-t-il. En tant qu’agriculteurs, nous sommes mis dans des cases, ces rencontres me permettent de montrer qu’il y a autre chose que le glyphosate… » Vincent explique aux marcheurs le lien fort entre les paysages et son travail de paysan : « Je parle de la problématique de la diminution de la surface des landes face à la plantation intensive de résineux, qui a transformé le plateau en un siècle. Le pastoralisme garde ouverts ces paysages et préserve la biodiversité. Mes brebis ont leurs habitudes sur ce territoire rude, où elles trouvent toujours à manger. »

Menacées cette année d’être retirées des surfaces agricoles, les landes à bruyères ont finalement été maintenues, grâce au combat des éleveurs ovins du plateau (2).

Raphaëlle Saint-Pierre

(1) L’une des étymologies présumées du mot « Millevaches » est « les mille sources ».

(2) Voir La France agricole n° 3 738-3 739, du 12/03/2018, « Des surfaces pastorales “peu productives” mais essentielles », p. 138-139.