«C’était le 10 février dernier, je taillais mes vignes quand j’ai entendu au loin un fourgon rouler à vive allure. J’ai relevé les yeux en me disant qu’il “allait se planter”. Le véhicule est arrivé rapidement à la hauteur de ma parcelle, où la route fait deux petites courbes.
Le chauffeur perd alors le contrôle de son bolide, qui tangue à gauche, se redresse, tangue à droite, et arrive face à moi à grande vitesse. Je me suis dit que j’allais mourir : coincé par les rangs de vigne de part et d’autre, je ne pouvais m’échapper. La camionnette percute les pieux d’amarrage placés au bout du rang. Elle est projetée dans les airs. Je suis à moins de cinq mètres de ces piquets, je plonge à terre entre les fils de fer du rang voisin que je viens de tailler. Je vois le véhicule tourner au-dessus de ma tête. Il atterrit derrière moi dans un fracas, fait trois ou quatre tonneaux et finit sa course à une trentaine de mètres.
Je suis sidéré, soufflé par ce que je viens de vivre. Les pieux, en propulsant le fourgon, m’ont sauvé la vie, je n’ai rien. Malgré l’intensité du choc, le conducteur s’en sort aussi indemne.
Mes deux salariés qui travaillaient dans la parcelle voisine accourent en prévenant les secours. Au moment de l’accident, ma femme et nos trois enfants marchaient dans la parcelle pour venir me voir, l’issue aurait pu être tragique. Que l’accident ait eu lieu pile à l’endroit où j’étais en train de tailler, ce n’est vraiment pas de bol, et à la fois, c’est miraculeux que tout le monde s’en soit sorti vivant, sans aucune blessure. Une fois l’effet de stupéfaction passé, j’ai eu le sentiment d’être extrêmement chanceux car je suis toujours là.
Le soir même, sur le conseil de mon frère, j’ai retranscrit les faits et mes ressentis pour être plus clair lors de ma déposition à la gendarmerie et auprès de l’assurance prévue le lendemain (160 souches ont été arrachées), mais aussi pour évacuer le stress.
Cet événement m’a permis de relativiser les problèmes du quotidien. Nous vivons pourtant une période très difficile avec la crise sanitaire qui a stoppé net la vente de notre vin depuis un an. Mais je me dis que des solutions existent. Le plus important est d’être vivant pour continuer à profiter de la vie ! »
Propos recueillis par Florence Mélix