Jean-Marc Bastide a longtemps été un « monstre de travail », à pied d’œuvre dès 4 h 30 dans son élevage. Il aimait dire : « La p’tite bête ne mange pas la grosse. » Aujourd’hui en fauteuil roulant, il lâche : « La p’tite bête m’a mis à genoux. » La bête ? Une tique. Son poison ? La maladie de Lyme. « Elle est sournoise, c’est pour ça que je veux alerter », dit-il. L’éleveur avait une cinquantaine d’années quand il s’est fait piquer en mai 2011, en installant ses clôtures. Quelques mois après le retrait – tardif – de la tique, des symptômes de plus en plus lourds apparaissent : troubles de l’audition puis de la vue, épuisement, vertiges… « Mon mari rentrait de la traite avec l’impression d’avoir réalisé un exploit », témoigne sa femme Monique.

En quête du bon diagnostic

En mai 2012, ses jambes le lâchent. Jean-Marc subit une batterie d’examens. S’appuyant sur des avis médicaux, des témoignages de malades et un énorme travail documentaire, le couple soupçonne la maladie de Lyme. Soupçons confirmés par un test à l’hôpital. « Mais le traitement antibiotique n’a pas guéri mes symptômes, raconte Jean-Marc. Les médecins ont clos le dossier en considérant que j’avais la sclérose en plaques. » Commence alors un long parcours pour faire diagnostiquer sa maladie afin de mieux la combattre. De rares professionnels de santé l’écoutent, mais restent démunis pour le soigner. D’autres lui parlent de dépression, d’apnée du sommeil… Un docteur lui demande, condescendant : « Alors, vous voulez avoir Lyme ? »

Son épouse ne décolère pas. « En France, les malades chroniques de Lyme ne sont pas traités et les médecins qui les soignent sont maltraités ! Faute de diagnostic, certains subissent des opérations inutiles, d’autres passent pour des fous. »

Entre la traite, la transformation et les marchés, Monique trouve encore le temps d’interpeller les médias et le gouvernement. Après la parution d’un article dans la presse locale, le couple a reçu des dizaines d’appels d’autres malades, jusque-là isolés dans leur combat. L’agricultrice compile dans un classeur les coupures de presse et les courriers adressés à des personnalités politiques, avec leurs réponses. Comme celle de la ministre de la Santé, en 2014, qui lui écrit que des aidants peuvent l’épauler. « Je ne veux pas qu’on m’aide, je veux qu’on soigne mon mari ! », s’insurge-t-elle.

Pour trouver un traitement adapté, Jean-Marc a fini par aller en Allemagne (1). Depuis deux ans, ses symptômes ont régressé. « Mais j’ai pris la décision trop tard, soupire-t-il. Confiant­ dans la médecine française, j’ai traîné cette maladie pendant huit ans. »

Aujourd’hui, l’éleveur touche une pension d’invalidité de 500 euros par mois. C’est peu pour payer le salarié censé le remplacer. La maladie n’a pas entamé son amour du métier. Jean-Marc gère toujours « la paperasse ». Et si la télé du salon est souvent allumée, c’est que la caméra est branchée sur la stabulation. Bérengère Lafeuille

(1) La clinique BCA à Augsburg, spécialisée dans les maladies transmises par les tiques, reçoit des patients du monde entier.

L’histoire de Jean-Marc est relatée dans le livre Les vies brisées de Lyme. 40 témoignages de malades de Lyme, Right brain & des Visages éditions.