Jusqu’au début des années 2000, le Burkina Faso était le leader de la production de coton en Afrique. Le volume produit et la qualité de la petite boule de fibres blanches avaient fait du pays un acteur incontournable pour les industriels du textile. Même la célèbre marque américaine de lingerie Victoria’s Secret se fournissait au Burkina. Mais depuis cette période glorieuse, le coton local a subi une crise majeure. Sous l’impulsion de l’ancien président Blaise Compaoré, les agriculteurs ont ouvert les portes de leurs terres au géant Monsanto. Le puissant semencier américain a alors introduit son coton BT – pour Bacillus thuringiensis – génétiquement modifié. « Le coton BT est venu comme une arme de destruction, alors que notre coton était prisé par les filateurs », regrette Ousmane, un producteur installé à proximité de Ouagadougou.

Fibres cassantes

Quelles avaient été les grandes promesses de Monsanto ? Fournir aux agriculteurs une semence OGM dans laquelle on avait intégré un gène insecticide. L’objectif était de réduire le nombre de traitements chimiques. Les deux premières années, la récolte s’est améliorée. Mais par la suite, les fibres de coton sont devenues cassantes, elles n’avaient plus la même longueur. Selon l’ONG Autre Terre, « dans son croisement avec la semence américaine, Monsanto n’avait pas été au bout du travail. La firme voulait un retour rapide sur investissement. » Le travail de développement a été bâclé et les agriculteurs locaux ont payé le prix fort de ce coton transgénique.

Le marché mondial a commencé à tourner le dos au Burkina. Pendant des années, les industriels de la transformation ont nié la réalité. « Les propriétaires des usines avaient convenu avec Monsanto de cacher le problème, alors que le coton était invendable », ajoute le producteur. Mais en 2015, l’industrie annonce ne plus vouloir de ce produit de piètre qualité. Le gouvernement impose alors une réduction de 60 % de coton BT. Lors de la campagne 2016-2017, plus aucun coton transénique n’est emblavé. Quinze ans après l’introduction des semences OGM, les producteurs burkinabés reviennent à une culture traditionnelle, avec le sentiment qu’un énorme gâchis a été opéré sans leur consentement.

Emmanuel Huet