La révolution numérique prend décidément des formes variées dans le paysage agricole. Presque personne n’aurait misé sur l’installation des géants du numérique sur des fermes il y a encore quelques mois. Pourtant, Datafarm l’a pensé et y a cru.

 

Schématiquement le méthaniseur approvisionne en électricité le data center, qui produit de la chaleur. Cette chaleur et celle issue de la cogénération sont converties en froid par l’échangeur de Datafarm pour rafraîchir le data center.

 

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Plus de 40 installations validées

La start-up française a mis au point cette technologie pour « stocker internet dans des fermes », glisse Maxime Sebti, cofondateur de l’entreprise qui a vu son carnet de commandes se remplir en quelques mois.

 

Plus de 40 installations sont en cours de contractualisation en France, et plusieurs dizaines, voire centaines sont en projet. Leur système permet l’évolution de la cogénération en trigénération.

 

 

Faire du froid à partir du chaud

Le principe est de produire de l’électricité, de la chaleur, mais aussi du froid. Le tout à partir de biogaz. En quelques mois, l’entreprise Datafarm a vu son carnet de commandes exploser. La start-up présentait à l’été 2020 son concept d’appliquer la trigénération au stockage des données numériques.

 

La trigénération récupère l’intégralité de la chaleur issue de la cogénération et la transforme en froid, grâce à un échangeur thermique breveté, avec un régime extrême : plus l’eau qui entre est chaude, plus celle qui en sort est froide, avec une faible consommation d’électricité relativement au froid produit.

 

« Avec 35 W électriques, on fait 370 kW de froid », souligne Maxime Sebti. L’efficacité énergétique de la technologie de Datafarm a de quoi séduire les géants du net. Comparativement à un centre de données classiques, il y a une réduction de 30 à 50 % de la consommation d’énergie.

Doubler le revenu des méthaniseurs

Si le concept révélé il y a quelques mois a su séduire aussi rapidement des agriculteurs méthaniseurs, c’est qu’il a de sérieux atouts à faire valoir. Classiquement, les exploitations qui font de la cogénération ne vendent que de l’électricité. Ou bien, la chaleur est vendue au rabais.

 

Ici, Datafarm va acheter l’intégralité des énergies thermique et électrique produites par le moteur de cogénération. Une chaleur résiduelle du fonctionnement du data center pulse une température de 40 à 45°C, idéale pour le process de méthanisation (digesteur) ou pour un séchoir par exemple.

 

En plus de cela, l’entreprise paye une location pour la surface occupée. Celle-ci représente 1 000 m2 pour une puissance d’1 MW. À la charge de l’exploitation, il faut compter le terrassement éventuellement nécessaire pour accueillir cette machinerie numérique, et une entrée distincte de celle de la ferme, pour permettre l’accès aux techniciens. En intégrant ces coûts, Datafarm annonce un doublement des revenus issus de la méthanisation.

La fibre optique à la campagne

Il n’est pas nécessaire de construire un bâtiment pour le centre de données. « Dans la plupart des projets, nous allons prendre la place occupée par un séchoir par exemple. Notre modèle n’est surtout pas d’empiéter sur des terres cultivables », insiste Maxime Sebti. Le changement d’affectation des bâtiments est bien accepté par les collectivités, car c’est aussi l’occasion d’amener la fibre optique dans des zones de campagne.

 

Pour communiquer avec le reste du réseau internet mondial, le data center a besoin du très haut débit. Selon la puissance des méthaniseurs, l’affectation du data center associé pourra varier. Les plus gros serviront principalement à stocker des données. « Les plus petits seront surtout mis à contribution pour leur puissance de calcul, détaille l’entrepreneur. Celle-ci pourra être au service de l’internet des objets (IoT) de matériel agricole de pointe, ou de certaines structures comme des hôpitaux par exemple. »

 

L’innovation a de quoi séduire et Datafarm commence déjà à travailler avec l’étranger. Des projets sont à l’étude en Allemagne.