Elles sont l’or noir du XXIe siècle. Regroupées sous le terme de big data, ces informations sont collectées et enregistrées à chaque fois que vous utilisez un appareil électronique. Que ce soit votre smartphone ou le boîtier de contrôle du semoir, tout système équipé de composants électroniques est capable de mémoriser l’ensemble des opérations qui sont réalisées avec cette interface.

Correctement exploitées, elles révèlent aussi bien vos habitudes personnelles (centres d’intérêt, opinions politiques, santé…) que des renseignements sur votre exploitation, depuis votre assolement jusqu’à la dose précise d’un produit phyto épandu sur une parcelle. Le mythe du Big Brother de George Orwell, qui voit tout et sait tout, est devenu une réalité. Même ceux qui n’ont rien à se reprocher doivent s’inquiéter de voir leurs données sur la place publique.

Décrypter les conditions d’utilisation

En plus du respect de la vie privée concernant les éléments personnels, il est légitime de se préoccuper de l’utilisation qui peut être faite des informations professionnelles. Lors du lancement du livre blanc de l’Acta sur les big data, Philippe Lecouvey, directeur de l’Acta, a rappelé que « dans le domaine des données agricoles, nous devons avancer sans avoir peur des snipers ». Sans concession, il considère que ces derniers sont les entreprises privées, aussi bien les fabricants de tracteurs ou de robots de traite que les coopératives qui, séparément ou ensemble, les collectent puis les agglomèrent, et les exploitent. « Les agriculteurs ont besoin d’être rassurés, de savoir qu’elles ne seront pas exploitées en leur défaveur. Il est vrai que, dans un secteur très informatisé comme le porc, l’exploitation des données peut permettre à l’acheteur de connaître le prix de revient exact du vendeur », ajoute Philippe Lecouvey.

Il faut se lancer dans la lecture des CGU (conditions générales d’utilisation). Elles définissent les modalités d’utilisation d’un site internet ou d’une application mobile et lient l’usager à l’éditeur du site. On ne doit donc pas parler d’acheteur lorsqu’il s’agit de CGU : toute personne naviguant sur le site doit les respecter même si elle n’achète aucun bien ou service. Les CGU concernent les informations suivantes : la possibilité d’y créer un compte, de poster du contenu, mais également les conditions dans lesquelles l’éditeur protège sa propriété intellectuelle, et collecte, le cas échéant, les données personnelles fournies par l’utilisateur. à noter que dans les CGU, certains cookies requièrent l’accord de ce dernier.

Ainsi, contrairement aux CGV (conditions générales de vente), qui encadrent la relation contractuelle entre l’acheteur et le vendeur, les CGU ne concernent que l’utilisation du site. L’étude des CGU de la plupart des solutions couramment employées par les agriculteurs montre qu’en les acceptant, on s’engage à autoriser la collecte de l’ensemble des données pour un usage ultérieur. Enfin, dans certains cas, il n’y a pas de CGU puisque ces dernières ne sont pas obligatoires, mais juste fortement recommandées.

Des informationssans frontière

Vos données professionnelles, qui sont déjà exploitées par les éditeurs de logiciels et les constructeurs, sont aussi consultées par des autorités étrangères. Ainsi, la législation de l’Union européenne sur la libre circulation des données à caractère non personnel, également appelée cinquième liberté de l’UE, s’appliquera prochainement. Elle interdira les règles nationales exigeant que les données soient stockées et traitées dans un État membre. Concrètement, chacun d’eux pourra accéder aux données générées par des machines ou lors de transactions commerciales dans un autre pays de l’Union.

Le texte précise qu’il « peut s’agir d’informations sur l’agriculture de précision, afin d’aider à contrôler et à optimiser l’utilisation des pesticides et de l’eau ». Cela signifie, par exemple, que le ministère de l’Agriculture polonais pourra avoir accès à vos données de traçabilité en toute légalité.

Informations utilisées contre vous

Vous avez certainement déjà rencontré cette situation. Vous consultez différents sites à la recherche d’un produit spécifique. Pendant plusieurs semaines, les publicités qui s’affichent, dès que vous allez sur internet, concernent cet article. La publicité ciblée est possible grâce aux informations personnelles collectées lors de vos navigations. Même si elle est pénible, cette utilisation n’est pas la plus invasive. Ainsi, vos données de santé transitent entre assureur et banque lorsqu’il s’agit du même organisme. Un échange qui peut se retourner contre vous lors d’une demande de prêt si vous présentez un facteur de risque. Et le plus ironique, c’est que vous avez probablement autorisé cet échange en signant les CGU sans les lire.

Dans le domaine du machinisme également, cette traçabilité précise de l’utilisation pourra vous jouer des tours, en particulier pour les garanties. Jusqu’à présent, en cas de panne sur un moteur, les constructeurs se contentaient de faire analyser la qualité du carburant. Désormais, ils téléchargent l’ensemble des données enregistrées par la machine à la recherche d’un usage anormal.