Un petit tour et puis s’en va. Au registre des ministres de l’Agriculture les plus éphémères, il s’en est fallu d’un chouïa pour que Jacques Mézard détrône Christine Lagarde, restée seulement 33 jours. Lui qui avait juré « qu’on ne l’avait pas nommé pour un mois » est donc parti « à la cohésion des territoires », un poste sans doute plus en adéquation avec son parcours antérieur. Comme quoi, il est toujours bon de prendre un peu de distance par rapport à la parole politique ! On pourrait s’amuser de ce chassé-croisé s’il n’y avait autant de dossiers chauds sur la table. À commencer par le problème récurrent du paiement des aides Pac, qu’il faut solder. Un boulet de l’ère Le Foll pour lequel les hauts fonctionnaires en responsabilité du fiasco n’ont pas été sanctionnés mais curieusement promus. Quelques heures seulement avant de partir, Jacques Mézard s’est engagé sur un calendrier de paiement (lire p. 14), calendrier que va probablement reprendre son successeur, Stéphane Travert, et dont on ose espérer qu’il sera cette fois respecté… et pourquoi pas amélioré.
Autre sujet récurrent et à vif : celui du partage de la valeur ajoutée, et donc des prix agricoles, qui devrait être abordé dans le cadre des États généraux de l’alimentation. Là encore, Jacques Mézard dit avoir préparé le terrain, mais son successeur aura-t-il bien la main sur le deuxième volet (lien « alimentation-santé-environnement ») que revendique le ministre d’État Nicolas Hulot ? Il y a quelques semaines, nous avions titré de manière prémonitoire « Deux ministres pour l’agriculture ». Avec l’arbitrage déjà perdu par Stéphane Travert face à Nicolas Hulot sur les néonicotinoïdes (lire p. 16), on a déjà un avant-goût des frictions qui vont immanquablement survenir par la suite. Et si on ajoute la question du droit de la concurrence, la surtransposition des normes, le règlement « omnibus » et le droit à l’erreur, la barque est bien chargée pour le nouveau ministre qui va devoir vite rentrer dans ses nouveaux habits. Pas de doute, l’été sera chaud sur le front agricole, sans pause et surtout sans état de grâce.