Après 9 séances de travail, l’audition de 16 intervenants et la visite de deux installations, la CRE (Commission de régulation de l’énergie) estime que la biométhanisation, sous réserve de politique volontaire, conserve assez de potentiel pour représenter environ 40 MW d’ici à 2030, soit 10 % du gaz injecté dans les réseaux.
« La méthanisation est une technologie mature, et nous ne pouvons plus espérer des baisses de coût au-delà des 30 % », a souligné Philippe Mauguin, président-directeur général de l’Inra, lors d’une conférence de presse ce 9 juillet 2019. Car la compétitivité du gaz vert demeure un facteur essentiel pour atteindre cet objectif ambitieux.
Évaluer les externalités
« L’Agence internationale de l’énergie estime que le gaz naturel vaudra 33 à 35 € le MWH en 2030 », a rappelé Philippe Mauguin. Nouveauté du rapport, les experts ont cherché à savoir si le méthane resterait compétitif à cet horizon. Si le coût de production du gaz renouvelable baisse bien de 30 %, il atteindrait alors environ 70 à 80 € le MWH, « c’est-à-dire dans la bande passante des prix du renouvelable demain », selon Olivier Appert, délégué général de l’académie des technologies.
Les experts de la CRE vont même plus loin, en utilisant les données du cabinet ENEA consulting afin d’évaluer les bénéfices indirects de la méthanisation. Du côté des exploitations, 3 à 4 € seraient ainsi économisés en intrants pour chaque MWH produit, qui s’ajoutent aux 15 à 30 € évités de pollution des eaux et d’émission de gaz à effet de serre. Au total, l’ensemble des différents services apportés par le biogaz atteindrait ainsi 40 à 70 € par MWH.
« Pour rester réalistes, nous avons utilisé la fourchette basse », précise Philippe Mauguin. Par un exercice d’équilibrisme économico-mathématique, les experts ont soustrait 40 € d’externalités au coût estimé du biogaz à 2030, et ils sont retombés sur… 30 à 40 € du MWH, soit un prix identique à celui du gaz naturel. Quant à savoir si le gouvernement et les parlementaires feront le même calcul, la CRE ne préfère pas s’avancer. « Nous ne sommes pas dans la tête des politiques », lance Jean-François Carenco, président du comité de prospective de la CRE.
Lever les freins
Comment répondre à ces objectifs ambitieux, si les projets n’aboutissent pas en raison de l’opposition des riverains ? « Certaines installations sont opérationnelles en moins de deux ans, mais pour d’autres les choses sont plus compliquées », reconnaît Philippe Mauguin. La CRE, souligne-t-il, s’est cependant bien penchée sur cette question.
Il s’agira donc pour lui de travailler sur le dimensionnement des unités, et sur la façon d’associer les parties prenantes, en adoptant des logiques d’économie circulaire. « Il faut aussi poursuivre la réflexion sur les matières qui alimentent les méthaniseurs. Pour nous, il s’agit avant tout valoriser la biomasse existante, à l’inverse des pratiques de nos voisins allemands », exhorte Philippe Mauguin.
L’Inra se pencherait donc actuellement sur des méthodes pour mieux valoriser les cultures intermédiaires, qui, tout en permettant de réduire les produits phytosanitaires, et d’éviter l’érosion des sols, permettront de participer à l’effort national visant à multiplier par 30 la production de gaz vert en dix ans.