Installer des centrales photovoltaïques de fortes puissances dans des zones agricoles sans concurrencer les terres, c’est possible. En plus des grandes toitures ou de l’agrivoltaïsme, une nouvelle solution émerge, celle du photovoltaïque flottant. Ce concept a été jusqu’ici principalement développé en Asie. Le Japon est engagé dans une transition énergétique ambitieuse depuis la catastrophe de Fukushima, mais est confronté à une pression foncière très forte. On y trouvait 80 % du parc mondial de photovoltaïque flottant en 2018.
Un succès rhodanien
Les centrales solaires flottantes ont débarqué doucement en Europe occidentale ces dernières années. La réussite de sites expérimentaux pousse la jeune filière à changer d’échelle.
En France, CNR (1) a développé son premier projet sur le lac de la Madone, un bassin d’irrigation situé à Mornant, dans le Rhône, et géré par le SMHAR (2).
Mise en service en 2019, cette plateforme flottante de 2 500 m² est recouverte par 630 panneaux photovoltaïques, soit 1 260 m2. La puissance de l’installation est de 230 kWc. Pour limiter la prise au vent, les panneaux ont une inclinaison très faible, à 11°. Sept points d’ancrage et dix-neuf câbles assurent la stabilité et le maintien de la plateforme hors de la zone de marnage (partie des berges qui sont immergées ou non, selon le niveau de remplissage du lac). L’assemblage de la plateforme se fait sur place et les lignes sont mises à l’eau au fur et à mesure. Des câbles électriques de type maritime, comme ceux qui rejoignent le continent et les îles, acheminent l’électricité produite vers les onduleurs. Ceux-ci sont situés dans un petit bâtiment en bordure du bassin. Plusieurs dizaines de mètres séparent la plateforme de cette bâtisse. « Cette distance est limite, confie Helena Wagret, chef de projet. Plus il y a de longueur entre les panneaux et les onduleurs, plus il y a de pertes. Nous envisageons l’option d’installer les onduleurs directement sur l’eau pour notre prochaine centrale, dans une ancienne carrière. »
Le projet de Mornant présente l’avantage d’aider le syndicat d’irrigation à l’entretien et à l’utilisation de son matériel. CNR paye un loyer au SMHAR, ce qui participe au remplacement des outils vétustes. La topographie locale rend l’irrigation énergivore. L’autoconsommation de l’électricité produite est prévue et sera effective dès la fin du contrat actuel d’obligation d’achat.
Panneaux plus productifs
Ce projet, une première expérimentale en France, laisse entrevoir de belles opportunités. Les panneaux seraient plus productifs que sur les bâtiments ou les centrales au sol. Ceci est dû à la proximité directe de la surface de l’eau, qui a un effet climatisant sur les cellules photovoltaïques. En effet, plus la température augmente, moins la production est élevée, à luminosité constante. La durée de vie des panneaux devrait également s’en trouver allongée. Sur le lac de la Madone, la plateforme n’occupe que 4 % de la surface moyenne du plan d’eau, mais des effets positifs sont attendus pour tout le bassin (lire l’encadré).
Gildas Baron
(1) la Compagnie nationale du Rhône.
(2) Syndicat mixte d’hydraulique agricole du Rhône.