Hubert Boutin, engraisseur de jeunes bovins (JB) à Noyales, dans l'Aisne, a vu apparaître les premières pattes gonflées en 2010. Cette même année, « un deuxième bâtiment avait été construit pour mettre en place deux cents taurillons supplémentaires », retrace l'éleveur. Très vite, les boiteries se propagent et les départs anticipés grimpent en flèche. « En 2017, la proportion de bovins partis en abattage d'urgence, à moins de 400 kg de carcasse (kgc), était de 25 % », se souvient Christian Guibier, conseiller viande bovine à la chambre d'Agriculture de l'Aisne.

« La perte d'efficacité technique et le décrochage des résultats économiques nous ont mis le moral à zéro. Face à cette maladie très contagieuse et multifactorielle, nous nous sentions dépourvus de toute solution », confie Victor, ayant rejoint son père sur l'exploitation il y a trois ans. Voyant les problèmes de boiteries se généraliser dans les ateliers d'engraissement alentour, Christian Guibier monte un groupe de suivi (1) à l'échelle du département. Chez les Boutin, le passage d'un pédicure en 2017 permet d'établir un premier diagnostic sur l'ensemble des animaux, et la dermatite digitée est décelée. Depuis, Hubert et Victor multiplient les mesures de maîtrise pour endiguer la maladie. 

Tout passer en revue

En premier lieu, des bandes sur le bardage et des tôles du toit ont été retirées, pour permettre une meilleure circulation de l'air dans le bâtiment le plus récent. Tous les bovins y transitent pour être engraissés, après une période d'adaptation de trois semaines. Sur le volet sanitaire, les éleveurs ont mis en place un protocole rigoureux et ont redoublé de vigilance pour la détection des premiers cas cliniques. « Des prises de températures sont réalisées systématiquement à la contention, lorsque les nouveaux pensionnaires arrivent », rapporte Victor. Trois fois par semaine, le jeune exploitant fait le tour des cases et relève l'état de santé général des bovins.

Un marquage selon un code couleur a également été établi, définissant le degré d'intervention sur l'animal (bleu : signe de faiblesse ; vert : première injection d'anti-inflammatoires ; rouge : traitement antibiotique). « Il en résulte un meilleur suivi individuel et une traçabilité renforcée sur leur origine », souligne-t-il. C'est d'ailleurs un point sur lequel les éleveurs sont particulièrement attentifs : « Nous essayons, dans la mesure du possible, de mettre en lot des broutards issus d'une même exploitation, afin d'éviter les mélanges de microbisme ». 

Réduire la compétition

Dans l'optique de réduire la compétition et le stress des animaux, Hubert et Victor ont ajouté un abreuvoir dans chaque parc et augmenté le débit d'eau au-delà des standards à 12 litres/min. Côté alimentation, la ration d'engraissement à base de pulpe surpressée a été substituée par un quart de maïs ensilage, pour limiter les risques de subacidose. « Dorénavant, les broutards sont nourris au foin les cinq premiers jours, ajoute Victor. La quantité de concentrés est ensuite augmentée graduellement jusqu'à 15 kg/jour/tête les deux semaines qui suivent ». Comme autre mesure, les exploitants traitent leur litière avec une poudre absorbante, dispersée directement dans le ballot de paille. La quantité varie de 1,5 à 2 g/tête/semaine selon l'âge des animaux, soit un coût total d'environ 12 € par bovin.

20 kg de carcasse en plus

Dans leur plan d'actions, père et fils ont aussi abaissé les densités, passant de vingt à dix-huit têtes par case (4,33 m²/animal). En 2021, la proportion de départs anticipés est retombée à 14 %. En parallèle, les performances de croissance se sont améliorées, avec un gain moyen quotidien relevé à 1,507 kg contre 1,410 kg en 2017. Quant aux poids de carcasse à l'abattage, ils s'établissent à 443 kg, pour un âge moyen de 18,9 mois. « En l'espace de cinq ans, nous constatons un gain global de 20 kgc, permettant ainsi de compenser la baisse de densité dans les parcs », soulève Hubert. 

Voyant leurs efforts payer, les éleveurs ne comptent pas s'arrêter en si bon chemin. Ils envisagent d'autres investissements à plus long terme, tels que la construction d'un bâtiment dédié à l'infirmerie, la mise en place d'un pédiluve dans le couloir de contention ou encore l'achat d'une cage de parage. 

(1) Vingt éleveurs de bovins allaitants, dont quinze engraisseurs spécialisés, suivis avec l'appui financier de la région Hauts-de-France, en partenariat avec la chambre d'Agriculture, le Groupement de Défense Sanitaire de l'Aisne et l'Institut de l'élevage.