Toutes les semaines, le jeudi et le vendredi, un des bâtiments du Gaec des grands prés, à Vého en Meurthe-et-Moselle, s’agite davantage qu’à l’ordinaire : alors qu’elle a mis le four à monter en température dès le lundi, Lorène Renard attaque, à 5 h du matin, la fabrication de la pâte pour le pain. De 17 à 19 h, les amateurs de son pain bio au levain viendront se fournir au petit magasin attenant au fournil.

« Alors que nous pensions vendre principalement sur les marchés et dans d’autres établissements de producteurs, nous sommes étonnés de constater que les trois quarts de notre clientèle est locale. Ce sont de gens de notre commune, ou de celles alentour, qui ont perdu leur boulangerie. C’est devenu un vrai lieu de rencontre, se réjouit la jeune agricultrice. Les gens papotent, restent parfois une demi-heure. » Dans la boutique, elle propose également de la farine et des lentilles en sachets, produites sur le Gaec, ainsi que quelques marchandises, comme du fromage, mises en dépôt-vente par d’autres exploitations en vente directe du secteur.

Cultures diversifiées

C’est en 2010 que l’entreprise agricole, qui s’appelle alors le Gaec de bonne fontaine, prend un nouveau virage. À la suite d’une mésentente, il est scindé en deux. Patrick Renard, le père de Lorène, garde les bâtiments sur le site de Vého, une partie des terres et achète 20 vaches allaitantes. Il crée avec un ancien associé, le Gaec des grands prés, sur 220 ha. L’autre structure reprend l’atelier lait.

Pris d’un réel ras-le-bol vis-à-vis des phytos, Patrick choisit la conversion au bio. Les premières années sont difficiles sur le plan technique, en particulier pour la maîtrise des mauvaises herbes. L’introduction de la prairie temporaire dans la rotation autorise d’en casser le cycle et le nouveau système s’organise peu à peu. L’associé de Patrick part en retraite. Son neveu, Ophélien Decorny, 30 ans, prend sa place dans le groupement. Puis, au 1er janvier 2018, c’est au tour de Lorène, 27 ans, et de son frère Quentin, 22 ans, après leurs études agricoles respectives. Pour permettre ces installations, une cinquantaine d’hectares sont acquis, puis une exploitation complète en 2017, après un décès. Un cinquième associé intègre le Gaec, Julien Vermeulen, 27 ans, ancien salarié de l’exploitation rachetée. Celle-ci est convertie au bio depuis avril 2018.

Au Gaec des grands prés, les cultures sont maintenant diversifiées. Une volonté de Patrick qui aime « faire des essais et tenter de nouvelles productions ». La majeure partie de la collecte de céréales part chez Soufflet, la demande étant forte. « Le blé bio nous est payé 480 €/t, un très bon prix sachant que le rendement tourne autour de 50 q/ha », souligne Quentin. Les lentilles sont commercialisées en direct, par sachet de 500 g et 1 kg. L’épeautre est attribué aux veaux, jouant le rôle de concentrés. « Le grain est donné entier, cela améliore leur digestion », précise Ophélien.

Comme des p’tits pains !

La fabrication de pain est la dernière activité mise en place sur le Gaec. Elle a démarré au printemps après la construction du fournil et du local pour le moulin, dans un ancien bâtiment d’élevage. L’énorme four, qui fonctionne au bois, a été obtenu d’occasion dans une boulangerie qui fermait. Lorène, dont les grands-parents étaient boulangers, a suivi une formation courte et a concocté sa propre recette : pas trop de sel, une bonne maîtrise de la levée pour que la pâte finale ne soit pas trop acide.

Ce sont 240 pains qui sont vendus par semaine à la ferme, via des magasins de producteurs et Emplettes paysannes, un système de « drive fermier », qui regroupe 60 exploitations du département. La jeune femme participe aussi à une dizaine de marchés de producteurs occasionnels par an. Aujourd’hui, le succès est tel qu’au lundi matin, les stocks sont à zéro. Elle s’est aussi inscrite sur la plate-forme Les Fermiers lorrains, qui approvisionne la restauration hors domicile en produits fermiers. Ce débouché va démarrer et implique une augmentation de l’activité. Or, l’emploi du temps de Lorène, qui a en charge la comptabilité et le suivi administratif de la structure, est déjà lourd. L’étape suivante sera probablement l’embauche d’une personne à mi-temps, pour la seconder. Dominique Péronne