Produire du foie gras en pleine campagne bretonne : c’est l’aventure peu commune dans laquelle s’est lancé Christophe Lelièvre, il y a vingt-cinq ans. Avec son fils Antoine, il est aujourd’hui à la tête d’une entreprise de 30 salariés. Celle-ci abat mille canards par semaine et réalise de la prestation de transformation pour d’autres producteurs.
Tout a démarré un peu par hasard. Christophe a repris l’exploitation familiale en 1993, une petite structure avec un peu de lait, de porcs et de céréales. « Mon idée était de planter des vergers et de conserver mon travail dans la tuyauterie industrielle en attendant leur mise en production », raconte Christophe. Mais il se rend compte que l’arboriculture nécessite d’être sur place.
Magasin de producteurs
À l’époque, la Sica Foie gras 35 cherche des gaveurs de canards pour des conserveurs du Sud-Ouest. Christophe se lance en 1994 en transformant la stabulation en bâtiment de gavage. À peine installé, le foie gras est en crise avec une saturation du marché. « J’ai commencé à vendre en direct auprès des restaurateurs. Je préparais cinquante canards par semaine. Je tuais le lundi, je découpais le mardi, j’emballais le mercredi et je livrais le jeudi. » Il installe un laboratoire en 1996 sur la ferme du Luguen. Il embauche un premier salarié et crée un magasin à la ferme. Il monte très vite à 200 canards par semaine, recrute à nouveau et commence à écouler la marchandise sur les marchés : Redon, La Gacilly, Rennes, La Baule… Enfant, Antoine accompagne déjà son père sur les marchés. « À 16 ans, nous lui avons acheté une voiture sans permis et il gérait son propre marché », se rappelle son père.
Foie gras, magret, confit, cuisse… la gamme s’étoffe. En 2001, Christophe ose un nouveau défi en ouvrant un magasin de producteurs, « Douz’Arômes », l’un des premiers de la région rennaise, avec onze collègues agriculteurs regroupés sous forme d’un GIE. Christophe voit plus grand. « Au sud de Rennes, il y avait le potentiel pour développer un autre magasin. Mais il fallait trouver une autre formule avec des salariés, car les permanences régulières imposées dans le GIE Douz’Arômes sont trop contraignantes pour un producteur », estime le chef d’entreprise.
La solution viendra de l’implication d’Antoine. Fin 2012, après son DUT de commerce, il revient sur la ferme familiale pour faire la saison de Noël. Il n’en repartira pas. Il prend en charge la création du magasin « Les Fermiers du Coin » à Saint-Jacques-de-la-Lande, une SARL qui compte 5 associés producteurs et des salariés. Un autre magasin collectif voit le jour à Saint-Malo en 2014, puis un troisième à Orvault, près de Nantes, en 2015. Antoine participe aussi à de nombreux salons professionnels.
Nouveau laboratoire
L’année 2016 marque une étape supplémentaire, avec la mise aux normes relative au bien-être et le passage aux cages collectives. « Arrivés à saturation dans l’ancien bâtiment de 600 places, nous en avons construit deux nouveaux de 1 000 places chacun », indique Antoine. Les canards arrivent à 13 semaines en provenance de deux élevages du Morbihan et des Deux-Sèvres. Ils sont gavés au maïs sans OGM pendant deux semaines. Le développement des volumes de production nécessite aussi de revoir la partie abattage et transformation. Un nouvel abattoir a ouvert ses portes en mai 2018. Chaque semaine, mille canards y sont abattus.
À l’étroit dans leur laboratoire de 300 m², Christophe et Antoine Lelièvre trouvent un bâtiment industriel de 5 000 m² à Guipry. Ils y installent un nouveau laboratoire de 1 200 m². L’outil est surdimensionné, mais ce choix est stratégique : « L’objectif est de proposer des prestations de transformation pour d’autres produits. D’autres producteurs profitent de nos équipements, de nos compétences et de notre savoir-faire », explique Antoine. Pour l’instant, nous travaillons 15 porcs par semaine, avec un objectif de 50. Ponctuellement, des maraîchers déposent leur surplus de production pour réaliser des conserves. » Dernier projet à venir : un magasin sur le site de transformation idéalement situé le long de la 4 voies Rennes-Redon. Isabelle Lejas