Du haut de ses 3 983 mètres, la Meije a nargué les alpinistes bien plus longtemps que le mont Blanc. Ce sommet du Parc des Ecrins est le dernier des Alpes françaises à avoir été conquis, en 1877. Mais les habitants de la Haute Romanche le contemplent depuis des temps immémoriaux. Face à lui, les villages de La Grave et Villar-d’Arêne et leurs hameaux perchés entre 1500 et 1800 mètres témoignent des rudes conditions de vie dans ce pays.

Quand les fleurs des prés, à la belle saison, se balancent dans le vent au son des cloches du bétail, la vie semble douce aux visiteurs. Le concert quotidien des sauterelles et criquets, ponctué de cris de marmottes, s’interrompt lorsque le soleil s’éclipse derrière les hauts sommets. C’est parfois le moment où la montagne improvise un « son et lumières » aussi spectaculaire que dangereux. Après l’orage, quelques sommets réapparaissent sous un voile blanc qui rappelle que même en août, l’hiver n’est pas loin…

© B. Lafeuille - Pour économiser le bois, le four banal de Villar-d Arêne n était allumé qu une fois par an.

Ce climat austère a façonné l’habitat traditionnel. Sur toutes les maisons, les barres de fer aux fenêtres servent moins à dissuader les voleurs qu’à soutenir les constructions sous le poids de la neige. Les balcons de bois, exposés plein sud, servaient (et servent parfois encore) à faire sécher les briques de fumier de mouton qui servent de combustible dans un pays peu boisé. Indispensables pour chauffer les habitations, les feux de cheminée entraînaient des risques d’incendie : des greniers indépendants, généralement en pierre, stockaient les vivres et biens de valeur en lieu sûr. Ceux du Chazelet (hameau de La Grave), en bois, recèlent un mystère : datent-ils d’une époque antérieure au déboisement ?

Pour économiser le combustible, le four banal n’était allumé qu’une fois par an à Villar-d’Arêne. Le « pô bulli », pain de seigle et d’eau bouillante cuit à l’automne, était conservé toute l’année… Assez vite, il fallait le couper à la scie et le tremper dans la soupe ! Tous les ans, après les récoltes, la fête du four reste aujourd’hui l’occasion de se rassembler et de partager pain, tourtes et fougasses.