Les toitures orangées du centre-ville ont disparu sous la neige. Il fait -10 °C. Qu’importe, Tallinn vit ! Devant l’hôtel de ville gothique, le marché de Noël est en place. Ici, badauds et amis se retrouvent le soir. On vient pour quelques courses ou pour goûter un vin chaud. Souvent d’ailleurs, il est rehaussé de Vana Tallinn, une étonnante liqueur à base d’agrumes, de vanille et cannelle. Un délice. Les hautes maisons de la place, aux couleurs pastel, sont abondamment photographiées. Mais une façade blanche est particulièrement insolite : sous l’enseigne Raepteek, la plus vieille pharmacie d’Europe, ouverte depuis le XVe siècle, s’active.
La plus vieille pharmacie d’Europe
Bordée par la mer Baltique, Tallinn est un concentré d’histoire européenne. La cité fut tour à tour danoise (XIIIe siècle), allemande (XIVe siècle), suédoise (XVIe siècle), russe (à partir de 1710), puis intégrée à l’Union des républiques socialistes soviétiques (URSS).
De ce passé, elle conserve mille et un visages. Nichée sur un plateau calcaire, la ville haute s’organise ainsi autour du château de Toompea. Maintes fois remanié, il abrite aujourd’hui le Parlement. À proximité, d’imposantes coupoles signalent la cathédrale orthodoxe Alexandre Nevsky. Elle fut construite en l’espace de cinq ans, de 1895 à 1900. Mais c’est à l’arrière de l’édifice que le charme opère. Ici, une kyrielle de ruelles pavées offre autant de points de vue sur la ville basse, et en particulier une vue dégagée sur les remparts. Bâtis au XIIIe siècle et dans un état remarquable, ils sont parfois comparés à ceux de Carcassonne.
De l’ère soviétique, Tallinn a gardé quelques traces. Tel l’hôtel Viru, qui abrita le siège du KGB et qui est aujourd’hui transformé en musée. Dans le quartier de Pirita, au bord de la Baltique, le visiteur découvre Linnehall. Désormais inutilisé, il servait de centre nautique pour les épreuves de voile des Jeux olympiques de Moscou (1980). Plus à l’est, plus riante aussi, s’ouvre la grande plage de Pirita. En lisière de pinède, l’endroit a quelque chose des Landes. Ici, baigneurs, skaters et promeneurs font le plein d’air marin. Mais c’est aussi là, à quelques mètres des vagues, entouré de pelouses, que se trouve Maarjamäe, le monument des victimes du régime soviétique. Poignant.
Anne Mabire