Au DFI (Dairy Farming Institute), la ferme école de Nestlé dans le Heilongjiang, on encourage les stagiaires à poser des questions en leur offrant de petits cadeaux (Nestlé, cela va sans dire). Cette technique permet de rompre avec la tradition chinoise, où un professeur tout-puissant dispense un enseignement théorique. « La formation agricole en Chine doit rééquilibrer la théorie et la pratique. Même quand les étudiants font un stage, il n’y a aucune articulation avec l’enseignement qu’ils suivent », explique Andy Wang, directeur du développement du DFI. Chez Nestlé, les stagiaires sont donc mis en situation dans deux élevages (respectivement 400 à 600 et 600 à 1 200 vaches en lactation) (1). Avec un rendement de 33 kg de lait par jour et par vache (quand la région plafonne à 20 kg) et une alimentation en ration complète, Nestlé entend diffuser des pratiques de pointe. « Je n’avais aucune formation agricole et j’ai suivi un module sur la traite au DFI. Appliquer des procédures standards est important pour la qualité et génère des économies de main-d’œuvre », explique Meng (le prénom a été modifié), 27 ans, directeur technique d’une ferme laitière de 280 vaches allaitantes.
Conscientes des améliorations nécessaires, les autorités chinoises font largement appel à la coopération internationale. Au niveau universitaire, on ne compte plus les projets, et le ministère de l’Agriculture français participe à un programme destiné à améliorer les contenus pédagogiques dans l’enseignement secondaire. Les entreprises sont également très sollicitées et beaucoup jouent le jeu, car la coopération représente un atout pour accéder au marché. Outre Nestlé, beaucoup de grands groupes laitiers sont impliqués, via des centres dédiés et/ou en aidant leurs partenaires chinois. Dans le monde végétal, BASF cumule une caravane dans les campagnes, six centres de formation et un programme sur la manipulation des produits et de leurs emballages. Il faut dire que le niveau moyen d’éducation des agriculteurs chinois est très faible. En 2012, selon le CABTS, seuls 18 % avaient poursuivi leur scolarité au-delà du collège. « La Chine a développé un système de formation continue, mais les agents sont trop peu nombreux. De plus, la communication avec les petits paysans est difficile du fait des barrières socioculturelles, explique Marie-Hélène Schwoob, chercheuse à l’Iddri. Les entreprises agroalimentaires et les distributeurs, auxquels les autorités ont confié un rôle important pour améliorer les pratiques agricoles rencontrent le même problème. »
Au-delà de l’efficacité des formations, l’attractivité de l’agriculture restera un immense défi. Parmi les jeunes qui suivent des études dans le secteur, une proportion importante (de 40 à 60 % selon les estimations) souhaite travailler en ville…
(1) Le troisième (3 600 têtes) n’a pas encore été ouvert faute de financements. Le DFI a été ouvert par Nestlé au titre de sa politique de responsabilité sociale. Mais le géant suisse a tout de même fait appel à un consortium de 22 partenaires pour financer le projet.