La côte varoise au niveau de Bormes-les-Mimosas (Var) est une imbrication de forêts de pins, de chênes-lièges, de domaines viticoles, de plages de sable clair et de falaises. À l’ouest du cap Bénat, une île et son piton rocheux forment un poste d’observation idéal pour qui veut contempler la mer Méditerranée et les îles de Porquerolles, Port-Cros et du Levant. « Son nom vient de brigue ou briga qui veut dire endroit élevé. Ce point haut permet de scruter l’horizon, et de voir venir de loin les ennemis », explique Philippe, l’accompagnateur de la visite du fort de Brégançon. Cette forteresse existe depuis le Moyen-Âge. Elle devait décourager ceux qui convoitaient le prospère commerce maritime, mais pas uniquement. Au XIIe siècle, l’émir des Baléares dirige des expéditions en terre chrétienne pour y faire des prisonniers esclaves.
« La recrudescence de la piraterie sarrasine sur les côtes provençales entre le XIIIe et le XIVe siècle a été bien étudiée par les historiens de la Méditerranée médiévale », poursuit le guide passionné par l’histoire de sa région. La côte des Maures, rocheuse et découpée, était propice aux embuscades, et l’une des zones d’intervention privilégiée des Sarrasins. Des marins et des pêcheurs étaient pris sur leurs embarcations. À terre, l’enlèvement de paysans, bergers, et enfants était courant. Les captifs étaient emmenés en Afrique du Nord ou plus loin. Imposant avec ses tours de guets et deux ponts-levis, le fort de Brégançon a marqué cette zone défendue par une garnison jusqu’en 1919.

La destinée de la place militaire change alors. Des particuliers louent ce lieu atypique dont un certain Robert Belanger qui s’en entiche. Il investit dans une digue pour faciliter l’accès, et des travaux apportant l’eau courante et l’électricité. En 1964, le général Charles de Gaulle s’y rend et en fait l’une des résidences officielles des présidents de la République après quatre années de restauration. Huit présidents y ont vécu ponctuellement. François Mitterrand y a reçu Helmut Khol, et Emmanuel Macron y a accueilli Vladimir Poutine. Derrière les murailles imposantes, se trouve une vaste demeure bourgeoise meublée de pièces de créateurs reconnus. Le jardin, entouré d’une pinède, débouche systématiquement sur des vues de la mer à couper le souffle.