Ces chemins creux ont été tassés au fil des siècles par les sabots des habitants, sculptés par des générations de roues de charrettes… Enchevêtrées les unes dans les autres, des immenses racines semblent maintenir les talus en place. Les arbres moussus se dressent vers le ciel et forment une arche végétale sous laquelle avancer d’un pas tranquille. Des cosses de châtaigne et des glands de chêne jonchent le sol, dans une odeur d’humus. Pas un bruit, si ce n’est le pépiement des oiseaux et, au loin, le moteur d’un tracteur.
Ces sentiers constituent l’un des principaux charmes du Tro Breizh, le « tour de Bretagne » en breton. La boucle millénaire longue de 2 000 kilomètres est remise à jour depuis 2018 par l’association Mon Tro Breizh, soutenue par les collectivités territoriales. La tradition, qui remonte au temps des druides, veut qu’elle soit parcourue dans le sens des aiguilles d’une montre.
Le circuit retrace au sol la forme de la Grande Ourse, composée de sept étoiles : sept comme sept dieux que les Gaulois célébraient sur sept collines sacrées ; sept comme les sept évêchés historiques de la péninsule armoricaine — Quimper, Saint-Paul-de-Léon, Tréguier, Saint-Brieuc, Saint-Malo, Dole-de-Bretagne et Vannes. Les menhirs surmontés d’une croix chrétienne illustrent parfaitement ce syncrétisme armoricain…
Si le balisage devrait être achevé en 2025, les randonneurs peuvent déjà relier Quimper (Finistère) à Dol-de-Bretagne (Ille-et-Vilaine) en suivant l’hermine noire sur fond gris, le logo du Tro Breizh. L’itinéraire longe par endroits les flots bleus, sur ce GR 34 si fréquenté l’été, mais il pique vite vers l’intérieur des terres, à l’écart de la foule. Ainsi, depuis la baie de Douarnenez, cap est mis vers les monts d’Arrée, un paysage quasi irréel de lande tapissée de bruyères.
GR 34 : randonner sur le sentier des douaniers (28/04/2023).
« Dans ce massif aux conditions de vie parfois rudes, nous nous serrons les coudes », témoigne Laura Quentel, du nouveau café — épicerie de Saint-Rivoal (Finistère), Ty Reuz — « faire du bruit » en breton. Le parcours se poursuit entre calvaires et tourbières, au cœur d’une Bretagne authentique.