En Sologne, à la Taille des champs, Anne-Marie Mery a 58 ans quand son mari, agriculteur, souhaite partir à la retraite. Mais pour elle, l’heure de cesser son activité n’a donc pas encore sonné. Depuis 28 ans, elle s’occupe de la fabrication du fromage de chèvre et de la commercialisation sur les marchés. Le couple décide quand même de céder son exploitation, leurs trois enfants ne souhaitant pas reprendre l’entreprise familiale.

Candidat à la reprise

En 2017, Jérémy Julien a 21 ans et vient de finir ses études agricoles. Il est candidat pour reprendre la ferme d’une cinquantaine de chèvres à l’époque. « J’ai essuyé un premier refus des banques car elles trouvaient que je manquais d’expérience et qu’il y avait trop de travail pour une seule personne entre l’élevage, la fabrication et la commercialisation », se souvient-il.

« Il fallait donc que je trouve quelqu’un pour m’épauler, poursuit Jérémy. En discutant avec Anne-Marie, qui souhaitait continuer son métier, nous avons trouvé la solution du salariat. » Lors de son installation, Jérémy embauche Anne-Marie en CDI, à mi-temps d’abord, puis 23 heures par semaine. Il passe du statut d’apprenti à celui de patron, tandis qu’elle fait le chemin inverse.

Rassurer la clientèle

Jérémy bénéficie de l’expérience de la cédante pour reprendre en toute sérénité la ferme. « Elle m’a présenté les clients au marché et a continué les mêmes recettes de fromage. Ma clientèle était déjà constituée, cela m’a beaucoup aidé », indique Jérémy, qui depuis a également ouvert un magasin de vente directe à la ferme. Dès la première année, il a payé sa salariée au Smic et s’est rémunéré.

D’un point de vue humain, pas simple de donner des consignes à une personne qui a beaucoup plus d’expérience que soi-même ou d’insuffler des changements ! « Le plus important, c’est de bien s’entendre. On ne peut pas tout changer d’un coup, il faut respecter les anciens. J’ai beaucoup appris grâce à elle. Et quand nous sommes arrivés dans la nouvelle fromagerie, j’ai mis progressivement mes règles. »

C’est lui le patron !

Quatre ans après, Anne-Marie, satisfaite de cette collaboration, savoure les avantages du salariat. « Je peux prendre le petit-déjeuner le week-end et profiter de mes enfants ! C’est la continuité… mais dans ma tête, c’est clair que c’est lui le patron. »

Jérémy a par exemple augmenté le troupeau de chèvres, développé la vente pour les restaurateurs et les magasins, et élargi sa gamme avec des fromages épicés. Anne-Marie devrait prendre sa retraite en mars 2022, mais rien n’est encore décidé.

Aude Richard