Depuis le 1er juillet 2021, les employeurs agricoles ont l’obligation de faire bénéficier leurs salariés non-cadres d’un régime de retraite supplémentaire.

Cette obligation résulte de deux accords signés entre les partenaires sociaux agricoles (FNSEA et les syndicats de salariés). Les exploitations agricoles et les Cuma se sont accordées sur ce point le 15 septembre 2020 en marge de la création de la convention collective nationale de la production agricole. Les entrepreneurs des travaux agricoles, qui sont désormais régis par leur propre convention collective, ont signé un accord exactement similaire le 8 octobre 2020.

Un plan d’épargne retraite obligatoire

« Ces textes imposent aux employeurs agricoles de souscrire un plan d’épargne retraite pour leurs salariés non-cadres qui ont une ancienneté au moins de douze mois. Ce plan est financé par une cotisation de 1 % du salaire brut total.

La moitié de cette cotisation est à la charge de l’employeur et l’autre moitié à celle du salarié », explique Anne-Lyse Sutter-Brosseau, avocate au cabinet Auvea conseils, membre du réseau AgirAgri.

Cette recette supplémentaire vient compléter les deux niveaux de retraite déjà obligatoires, la retraite générale et la retraite complémentaire. Ces deux dernières sont déjà prélevées par la Mutualité sociale agricole (MSA).

À l’inverse, la retraite supplémentaire prend obligatoirement la forme d’un plan d’épargne retraite souscrit chez un des assureurs privés qui le proposent et que l’employeur est libre de choisir à son gré. La cotisation est inscrite chaque mois sur la feuille de paye.

Un supplément de retraite

Le salarié bénéficiaire recevra son supplément de retraite au moment de faire valoir ses droits soit sous la forme de capital, soit sous la forme de rente, réversible ou non. En cas de décès avant la liquidation des droits, ses ayants droit recevront un capital. En cas de décès après liquidation, ils recevront une pension de réversion s’il a opté pour une rente réversible.

« À l’inverse de la retraite générale ou complémentaire, gérées par la MSA, le salarié doit faire expressément la demande de versement auprès de l’assureur au moment où il fait valoir ses droits à la retraite. À titre d’indicateur et selon les paramètres actuels, un salarié agricole non-cadre rémunéré au Smic pendant 25 ans recevra un supplément de retraite de 300 à 500 euros par an grâce à ce système », calcule Anne-Lyse Sutter Brosseau.

Elle précise également que « les salariés ont le droit de compléter leur plan d’épargne retraite avec deux ressources de plus : soit un versement volontaire en euros au bon vouloir du salarié ; soit la totalité ou une partie de son intéressement, de la participation des salariés, ou encore du compte épargne-temps, s’il existe dans l’exploitation, ou des congés payés (dans la limite de dix jours de congé par an). »

Les cadres de l’agriculture bénéficient déjà d’un régime de retraite supplémentaire depuis 1952. Les taux de cotisations en sont nettement supérieurs en raison de l’antériorité du régime. Les employeurs n’ont pas le choix de leur organisme de gestion (CPCEA).

Une mise en conformité obligatoire

Si l’obligation de souscription court à partir du 1er juillet 2021, les employeurs auront jusqu’au 30 septembre 2021 pour se mettre en conformité. En revanche, les cotisations seront dues dès le 1er juillet 2021.

« En l’absence de jurisprudence du fait de la nouveauté du système, on ne sait pas encore réellement quel est le risque juridique qui pèse sur un employeur qui ne se plierait pas à cette obligation », précise Anne-Lyse Sutter-Brosseau

« En revanche, on peut déjà pronostiquer qu’il serait redevable d’une amende après un contrôle des inspecteurs du travail, poursuit-elle. Il s’exposerait aussi à un risque de conflit prud’homal du fait d’un salarié, en cours de contrat ou à la liquidation de ses droits, ou encore par ses ayants droit en cas de décès. »

Et pour les Tesa et Tesa + ?

Les salariés payés en Tesa ou Tesa + peuvent aussi être concernés par cette obligation de retraite supplémentaire. Il appartiendra à l’utilisateur du Tesa de s’assurer que la cotisation apparaît bien dans la cotisation Tesa.

Pour les Tesa +, les employeurs devront paramétrer pour que la cotisation apparaisse bien sur le bulletin de salaire. Mais en pratique, il faut d’abord vérifier que le salarié est concerné par ce dispositif du fait du critère de l’ancienneté de douze mois.

Comment calculer l’ancienneté ?

On touche là un des points compliqués de cette innovation sociale. Les accords des partenaires sociaux et la convention collective nationale précisent bien la limite des douze mois d’ancienneté. Mais l’ancienneté est encore définie par les anciennes conventions collectives territoriales. En particulier, c’est dans ces textes-là qu’on trouve si l’ancienneté cumulée s’entend « douze mois consécutifs » ou « douze mois discontinus ».

Dans le second cas, un saisonnier habituel pourrait très bien pouvoir bénéficier de la retraite supplémentaire. « Il peut être assez fastidieux de retrouver quelle est l’ancienne convention territoriale qui s’applique sur son exploitation. Dans ce cas, il vaut mieux se tourner vers le service social de son expert-comptable ou son conseiller de gestion pour lui demander de se plonger dans cette exploration administrative », avance Anne-Lyse Sutter-Brosseau.