«Il n’y a plus d’herbe ni d’eau dans les prés », soupirait un éleveur au Sommet de l’élevage en octobre dernier à Clermont-Ferrand, dans le Puy-de-Dôme. Après un printemps humide qui a retardé les mises à l’herbe et les chantiers de fenaison, la sécheresse a frappé fort cet été. Au point de déclencher les premiers chantiers d’ensilage dès le 25 juillet dans l’est de la France, dans l’espoir de sauver les maïs – aux épis souvent mal fécondés – d’un dessèchement complet.

Avec une pousse de l’herbe à l’arrêt, les prairies se sont mues en « paillassons ». Les éleveurs ont été contraints de puiser précocement dans leurs stocks de fourrages dès la mi-juillet, parfois sans interruption jusqu’à l’entrée en bâtiment. Car la sécheresse s’est prolongée jusqu’à l’automne, compromettant au passage l’implantation de prairies temporaires destinées à la récolte au printemps prochain. « Septembre 2018 devrait se retrouver sur le podium des mois de septembre les plus secs des soixante dernières années », estime le service Météo-France.

Fourrages convoités

Dans un tel contexte, les fourrages se font rares et chers. Y compris la paille, pour partie broyée à la moisson, avant que la sécheresse ne se fasse sentir. En outre, beaucoup pointent du doigt nos voisins européens, également en proie à une météo estivale exceptionnelle, d’être venus s’approvisionner dans l’Hexagone. « Les prix des fourrages explosent, tirés par des acheteurs suisses et allemands », s’agaçait Frédéric Perrot, président de la Fédération régionale des syndicats d’exploitants agricoles (FRSEA) de la Bourgogne-Franche-Comté, en octobre.

Dans les élevages, des résultats techniques en retrait sont à craindre. La collecte laitière française décroche depuis août (lire p. 58). Les réformes de vaches laitières comme allaitantes pèsent sur le prix de la viande. Faute de trésorerie suffisante, certains éleveurs de bovins viande font l’impasse sur les concentrés nécessaires à la préparation au vêlage en fin de gestation.

En ovins, les luttes d’automne n’ont pas bénéficié de « flushing », puisqu’aucune repousse des prairies ou dérobées n’était disponible. La fertilité et la prolificité des troupeaux pourraient en pâtir au printemps.

Rendement des cultures en berne

Les derniers chiffres du ministère de l’Agriculture confirment aussi l’impact de la sécheresse sur toutes les grandes cultures (lire p. 66). Le stress hydrique de fin de cycle a pénalisé les rendements du blé tendre (70 q/ha, - 7 % par rapport à 2017), du blé dur (50 q/ha, - 17 %), de l’orge (63 q/ha, - 7 %), du colza (30,5 q/ha, - 8 %) et du tournesol (23 q/ha, - 21 %). Le maïs a aussi souffert, mais les productions irriguées ont maintenu le rendement national (90 q/ha, - 13 %). Point positif : les économies sur les frais de séchage. Les pois (36 q/ha, - 23 %) et les féveroles (26 q/ha, - 25 %) subissent également un revers.

Du côté des cultures industrielles, même constat avec les betteraves (81 t/ha, - 16 %) et les pommes de terre (41 t/ha, - 6 %), même si l’irrigation freine la chute des rendements. En revanche, des problèmes de qualité s’ajoutent sur les volumes destinés au marché du frais et de la transformation.

Semis d’automne pénalisé

Mais le manque d’eau a aussi impacté les semis et les levées de cet automne. La sole de colza chuterait de près de 24 % par rapport à 2017, à 1,2 million d’hectares, au plus bas depuis 2005. Mais le ministère précise, « ces surfaces pourraient être revues à la baisse si des parcelles étaient retournées et remplacées par d’autres cultures au printemps, blé ou orge en particulier ». Les colzas n’ayant pas pu être semés ont laissé la place au blé tendre qui connaît une surface en hausse de 3,5 % sur un an. La sole de blé dur (pénalisée par la sécheresse automnale mais aussi par des prix en berne) a baissé de plus de 11 % sur un an, retrouvant le bas niveau de 2015.

La sécheresse n’a pas non plus épargné les fruits et légumes avec des conséquences sur les calibres, en pommes notamment. Concernant les volumes destinés à la transformation (petits pois, haricots, choux, tomates…), les baisses de rendements varient de 10 à 30 %.

Florence Melix, Marie Salsetet vincent Guyot