Après une année complète sans quotas, « la filière subit une crise sans précédent, s’est inquiété Éric Lainé, président de la CGB, la Confédération générale des planteurs de betteraves, lors d’une conférence de presse le 11 décembre 2018 à Paris.
La faute en premier lieu à une récolte médiocre en 2018 en France. La production de betteraves a atteint seulement 40 millions de tonnes (Mt) à 16°S contre 46 Mt en 2017. Le rendement est estimé à 83 t/ha, contre 89 t/ha en moyenne quinquennale et 96 t/ha l’an dernier. 5,3 Mt de sucre seront produits en 2018-2019 contre 6,5 Mt la campagne précédente.
Cours du sucre au plus bas
La filière fait par ailleurs face à des cours du sucre au plus bas du fait d’une production mondiale pléthorique et excédentaire par rapport à la consommation. En 2017-2018, le prix moyen du sucre vendu en Europe fut de 376 €/t contre 492 €/t la campagne précédente, soit une chute de 23 % !
Pour la nouvelle campagne, au début d’octobre, il est même descendu à 307 €/t sortie usine sur la zone France. Dans un contexte de fin des quotas, les cours européens se sont ainsi rapprochés des cours mondiaux déprimés.
« On est en droit d’espérer que le plus bas est derrière nous, a déclaré Timothée Masson, expert des marchés à la CGB. Sur la campagne qui arrive, certains analystes anticipent un surplus, mais certains analystes remettent en cause cette hypothèse. » Pour 2019-2020, les experts prévoient un « déficit probable » des stocks mondiaux, susceptible de faire remonter les cours du sucre.
Revenu dégradé
« Alors que la betterave constituait une sécurité, pour la première fois, elle a dégradé le revenu des agriculteurs, avec une perte de 400 à 500 €/ha en marge nette », a déploré Éric Lainé, le président de la CGB. Le prix des betteraves payé au producteur en 2017 (première année postquotas) est établi à 24,5 €/t pulpes comprises, contre 29,1 €/t en 2016. « En 2018, les prix des betteraves seront inférieurs à ceux de 2017 », prévient Pierre Rayé, directeur général.
Pour la prochaine campagne, le syndicat table sur une baisse de 5 % des surfaces au minimum. « Il faut ajuster la sole betteravière aux débouchés, insiste Thimothé Masson. L’objectif est que la filière française soit la « plus réactive du monde aux signaux du marché. Quand le marché mondial est déprimé, il faut se maintenir à 400 000 ha avec 100 jours de campagne. Dans un marché mondial porteur, il faut faire fonctionner à plein nos usines, avec des surfaces à 500 000 ha et 130 à 140 jours de campagne. »
Renforcer la contractualisation
Dans ce contexte, le syndicat met l’accent sur la nécessité d’une contractualisation « robuste », « pierre angulaire de l’ère postquotas ». Elle demande par exemple aux pouvoirs publics la mise en place d’un décret rendant possible la création des organisations de producteurs.
Objectif : redonner du « pouvoir de négociation » aux planteurs avec les industriels privés. Dans les coopératives, Éric Lainé reconnaît aussi que « la répartition de la valeur n’apparaît pas de façon claire ». Il milite pour des « contrats rénovés » avec « plus de transparence afin que les planteurs soient davantage réactifs ».
Pallier l’absence des néonicotinoïdes
Autre demande, plus technique celle-là : l’extension d’homologation de la flonicamide sur betteraves pour les semis de 2019, en l’absence de néonicotinoïdes. « Il ne faut pas laisser les producteurs dans l’impasse [face à l’interdiction des néonicotinoïdes, NDLR] », explique la CGB.
« Nous continuons de demander une dérogation », a indiqué Éric Lainé. La CGB craint de fortes « distorsions de concurrence » avec des voisins européens, dont les producteurs ont obtenu un sursis. Sept pays ont en effet obtenu des dérogations (Belgique, République tchèque, Autriche, Roumanie, Pologne, Finlande…).