Des changements en mer Noire…
Le mouvement est encore bien timide mais deux éléments méritent d’être mentionnés cette semaine. Les prix des blés russes ont gagné 1 $/t ; ce n’est presque rien mais cela faisait plusieurs semaines que ces cours végétaient. Or, il semble ces derniers jours que les prix commencent à réagir à une nette diminution de l’offre dans les ports de la mer Noire.
Au cours des deux premières semaines de novembre, les chargements de blé russes ont ainsi nettement diminué par rapport à la même période l’an passé (alors qu’ils étaient supérieurs à ceux de l’an dernier jusqu’à maintenant). La réduction des disponibilités exportables d’une part, mais aussi l’arrivée des conditions hivernales dans la mer d’Azov d’autre part, ont probablement contribué à ce léger renchérissement.
L’Égypte achète moins cher que la dernière fois
Ce frémissement à la hausse ne touche pas encore les autres origines. Les prix français sont restés quasiment stables à 199 €/t rendu Rouen (en base juillet) et Euronext reste proche de 200 €/t. Les prix américains ont baissé pour la qualité meunière HRW (–2 $/t à 224 $/t Fob Gulf) ainsi que les blés argentins (–2 $/t à 212 $/t avant taxe). Il va falloir surveiller si le mouvement de légère hausse observé en Russie n’est que passager ou bien si le renchérissement attendu commence à se manifester et à s’élargir.
Dans ce contexte, l’Égypte est quand même parvenue à acheter 240 000 tonnes cette semaine pour un coût inférieur à celui de son dernier achat. Toutefois, elle n’a pu bénéficier que d’une seule offre russe à un prix attractif, et a finalement acheté 60 000 tonnes de blé russe, autant de blé roumain et 120 000 tonnes de blé US. La diversification des origines (la perte de parts de marché du blé russe) commence donc à s’illustrer. L’Arabie, quant à elle, au début de la semaine a acheté 495 000 tonnes en origines optionnelles.
L’orge demeure dans l’expectative
Les cotations fourragères françaises ont été reconduites cette semaine à 199 €/t pour le rendu Rouen (en base juillet) et 192 €/t sur la Moselle. En revanche, le Fob Rouen a gagné 2 $/t à 235 $/t en raison du renchérissement de l’euro face au dollar, tandis que l’orge russe a gagné 0,5 $/t seulement et l’ukrainienne 1 $/t, à respectivement 240,5 $/t et 239 $/t. Pour la deuxième semaine consécutive, l’orge française conserve son leadership par rapport à ses concurrentes de la mer Noire. Cela pourrait être favorable à l’origine européenne dans les nombreux appels d’offre en cours : la Tunisie pour 75 000 tonnes, l’Iran pour 200 000 tonnes et la Turquie pour 75 000 tonnes.
Cette semaine a été animée par l’annonce de la Chine d’une enquête anti-dumping à l’encontre des exportations australiennes d’orge. L’Australie est le principal fournisseur des orges fourragères et brassicoles de la Chine (en 2017/18, 66 % des importations chinoises provenaient de l’Australie). Cette enquête prendra plusieurs mois, mais pourrait profiter aux autres origines (notamment française) si les tensions s’accentuent entre les deux pays.
Les orges de brasserie n’ont guère évolué cette semaine, celle de printemps est cotée, à 222 €/t, et celle d’hiver, à 210 €/t. Un conflit potentiel entre la Chine et l’Australie pourrait également influencer les prix brassicoles puisque la demande chinoise en orges de brasserie est difficilement compressible et dépasse 3,5 Mt.
Statut quo en maïs
Les prix du maïs n’ont pas beaucoup varié cette semaine, gagnant 0,5 €/t en position Fob Rhin (à 173,5 €/t) et perdant au contraire presque 1 €/t à La Pallice (à 170,5 €/t). Sur le marché mondial, les niveaux de la semaine dernière sont reconduits sauf pour les maïs ukrainiens qui voient leur prix augmenter de 3 $/t (à 166 $/t Fob). Cette hausse peut surprendre alors que l’Ukraine en en train d’engranger une très belle récolte de maïs : elle peut toutefois s’expliquer par l’absence des maïs brésiliens actuellement (le Brésil focalisant ses capacités portuaires sur les exportations de soja à la Chine).
Les importations de maïs des pays tiers qui se poursuivent dans l’UE compriment les prix. Entre le 1er octobre et le 18 novembre, plus de 3 millions de tonnes de maïs sont déjà rentrées dans l’UE (selon la Commission européenne), contre 1,9 million de tonnes au cours de la même période l’an dernier.
Le prix du colza plie sous le poids de la récolte canadienne et du pétrole
La récolte de canola au Canada est maintenant achevée, et les informations en provenance des principaux organismes de collecte font état d’une très bonne récolte, avec des rendements supérieurs aux attentes. Comme nous l’attendions, des précipitations tombées aux périodes clefs du cycle (juste après les semis et en période de remplissage) ont permis aux plantes de compenser les périodes moins favorables, et notamment le temps sec en juin et juillet. Sous l’effet de cette récolte volumineuse et des offres de vente pléthoriques des agriculteurs canadiens, le canola se replie de 4 $/t sur la semaine.
Par ailleurs, le retour des pluies en Europe rassure sur l’état des cultures. Les plantes semées – malmenées par un manque d’eau important depuis l’été – devraient en bénéficier avant que les gels hivernaux n’arrivent. De plus, le baril de pétrole poursuit sa chute, et se rapproche des 50 $ (alors qu’il flirtait avec les 75 $ au début d’octobre). Cela pèse sur l’ensemble des huiles, l’huile de colza ne faisant pas exception. Ainsi, par ricochet, le colza français perd quelques euros cette semaine (–8 €/t sur Euronext, –6 €/t en rendu Rouen et en Fob Moselle).
Le soja a ajouté également une petite note baissière, celui-ci perdant 2 $/t sur la semaine (à 324 $/t à Chicago) : le petit regain d’optimisme du marché sur l’embellissement des relations commerciales sino-américaines, qui avait entraîné une remontée des cours la semaine dernière, s’efface légèrement. Les deux géants devraient continuer à négocier durant les prochaines semaines. Impossible à l’heure qu’il est d’anticiper le résultat de ces négociations : elles sont pourtant cruciales pour l’ensemble des prix du complexe oléagineux. Sans débouché chinois, le soja US continuera à peser sur le prix du colza et du tournesol dans l’UE durant les prochains mois. Une résolution du conflit serait au contraire très haussière pour les prix.
Le tournesol recule également
Le prix du tournesol est en déclin également sur la semaine, sous l’influence du pétrole, des huiles et du soja. Les bonnes récoltes en mer Noire n’apportent pas de soutien aux prix, bien au contraire. Ainsi à Saint-Nazaire, le prix recule de 5 €/t sur la semaine.
En mer Noire, on constate un léger soubresaut des cotations du tournesol sous l’effet d’une demande un peu plus dynamique des triturateurs et à l’exportation, les cours étant actuellement historiquement bas. Les prix bulgares ne gagnent toutefois que 2 $/t et les prix russes 7,5 $/t. Les prix ukrainiens sont néanmoins impassibles à ce mouvement.
Prix des tourteaux légèrement déprimés
Avec le recul du prix du soja, les tourteaux suivent, la production en Europe dépassant temporairement l’offre (dynamisée par de très bonnes marges de trituration). Le tourteau à Montoir perd 6 €/t sur la semaine, à 333 €/t. Le prix du pois frémit légèrement, à 213 €/t départ Eure-et-Loir (+1 €/t sur la semaine), mais reste plombé par les fortes disponibilités en tourteau à bon marché.
À SUIVRE : exportations et compétitivité russes en blé, résultats des investigations chinoises concernant l’orge australienne, importations de l’UE en maïs, conditions climatiques au Brésil et en Argentine (soja, tournesol), négociations entre la Chine et les États-Unis, prix du pétrole, précipitations et températures en Europe (colza).