Des récoltes de nouveau révisées à la baisse dans l’UE
Semaine après semaine, la dégradation des estimations de récolte se confirme et cela revient fortement doper les prix des céréales à paille. Sous l’impact des prix US et des estimations de récolte plutôt optimistes (trop), ces derniers s’étaient légèrement affaissés la semaine dernière après leur bond du début juillet.
Ainsi, le rebond est marqué cette semaine, les prix du blé gagnant entre 7 et 9 €/t sur le marché physique (à 189,5 à Rouen, en base juillet) ou sur Euronext (à 190,5 €/t pour l’échéance de septembre en milieu d’après-midi le 20 juillet).
Les deux facteurs principaux qui alimentent cette progression ont trait à l’UE et à la Russie : dans l’UE, la récolte d’orge d’hiver touche à sa fin et s’annonce moins bonne que prévu (révision des rendements en baisse en Allemagne et en France notamment). Les résultats de l’orge inquiètent pour la récolte de blé qui, quant à elle, progresse mais n’est pas encore terminée. En France, FranceAgriMer l’annonce réalisée à 64 % au 15 juillet. Les résultats sont dans de nombreuses régions inférieurs à ceux de l’an dernier et plus la moisson avance, plus la baisse de la récolte française se confirme entre 33 et 34 millions de tonnes (plus de 36 millions l’an dernier).
En parallèle, le temps sec et chaud au Royaume-Uni ces dernières semaines semble aussi avoir affecté les rendements. Enfin, la qualité du sud-est de l’UE s’avère vraiment basse à cause des pluies – qui continuent – pendant la moisson.
Les blés russes et UE entraînent les autres blés en hausse
Du côté russe, ce sont aussi les pluies qui inquiètent maintenant : elles s’abattent sur le centre de la Russie et y ralentissent la moisson. La qualité est touchée et certains blés commencent à germer. Malgré cela, les exportations de blé russe depuis le 1er juillet sont importantes (2,5 millions de tonnes) et cela dépasse largement les 1,9 million de tonnes de l’an dernier à la même date. Ces volumes illustrent la demande qui continue de s’adresser à la Russie : cette dernière risque de ne pas pouvoir maintenir ce rythme toute la campagne et cela sera haussier.
L’ensemble de ces évolutions a deux conséquences : d’une part, une montée généralisée des prix du blé avec des gains de 2 à 3 $/t pour les blés russes et ukrainiens sur la semaine et, d’autre part, une élévation de la prime entre blés fourragers et blés de bonne qualité meunière sur le marché russe. Les inquiétudes et les déboires de notre côté de l’Atlantique commencent aussi à affecter les prix américains qui gagnent aussi quelques dollars cette semaine alors que Chicago était à la baisse la semaine passée.
L’Australie enfin vient rajouter sa note haussière : l’est du pays reste très sec et cela est inquiétant pour les rendements.
Dans ce contexte, les primes physiques à Rouen augmentent par rapport au Matif, notamment parce que les vendeurs ne semblent pas nombreux face aux besoins d’achats pour les ventes récentes faites à l’Algérie. Le bas niveau des eaux sur le Rhin et le Danube (faisant suite à la sécheresse) est aussi un facteur de soutien des prix.
L’orge fourragère s’envole
Ce sont les orges qui affichent les plus fortes hausses de prix cette semaine : à Rouen, les cotations gagnent 8 €/t, à 181,25 €/t, et en Moselle les valeurs grimpent de 13 €/t sur la semaine, à 174,25 €/t (soit quasi +20 €/t en un mois).
Cette situation découle des révisions en baisse des récoltes d’orge d’hiver dans le nord de l’UE et en France mais aussi du dynamisme de l’exportation avec des chargements sur la Chine en ce début de campagne et une très grosse vente à l’Arabie Saoudite la semaine dernière.
Le bilan mondial des orges est extrêmement tendu avec des stocks qui ne remonteront pas du niveau déjà très bas atteint à la fin de 2017-2018. Comme les déboires et la baisse des récoltes de la mer Noire sont confirmés, le rôle d’exportateur principal de l’UE se renforce.
Avec cette hausse des orges fourragères, la prime entre le prix des orges de brasserie d’hiver et celui des orges de mouture se réduit cette semaine à moins de 10 €/t (le Sebastian vaut 183 €/t Fob Creil) contre 15 €/t la semaine dernière : ce niveau de prime devient « limite » et risque de réduire l’intérêt des organismes stockeurs à calibrer et préparer les orges d’hiver pour le marché brassicole. Du côté des orges de printemps, les prix augmentent de 5 €/t (à 225 €/t Fob Creil) présentant des primes de 50 €/t par rapport à l’orge fourragère. Ce niveau de prime est élevé et reflète désormais les gros déboires de la production brassicole de printemps liés à la catastrophe des rendements en Europe du Nord.
Le maïs sous influence
Malgré une situation européenne et mondiale beaucoup moins tendue en maïs qu’en blé et orge (avec les pluies actuelles, les perspectives de récolte s’améliorent dans le sud de l’UE), les prix du maïs se laissent tirer vers le haut cette semaine par les céréales à paille. Excepté pour les prix de l’ancienne récolte en Alsace, les prix grimpent de 2 à 5 €/t sur le marché français, à 174,5 €/t Fob Bordeaux ou 169 €/t rendu La Pallice.
Les maïs sud-américains voient aussi leur valeur grimper de 2 $/t avec une nouvelle révision en baisse de la récolte argentine par la Bourse de Buenos Aires. Même aux USA, la tendance à la baisse des dernières semaines s’est arrêtée, sous l’influence du blé, mais aussi parce que les notes concernant l’état des cultures de maïs ont été dégradées de 3 points par l’UDA (mais rien de dramatique) et que des inquiétudes s’élèvent à nouveau concernant le manque éventuel de précipitations dans le nord-est et le sud-ouest de la Corn Belt.
Malgré tout, la perspective de la récolte de maïs reste très bonne aux USA et même si les stocks mondiaux de maïs baissent, ils vont demeurer très confortables. Le maïs devrait rester l’élément le plus lourd (en tous cas le moins haussier) du complexe céréalier.
Le soja rebondit après avoir touché le fond
Cette semaine, les prix du soja sur le marché US sont remontés (+6 $/t en ancienne campagne, +5 $/t sur l’échéance de novembre 2018) malgré une demande chinoise toujours absente. Ce sursaut est dû à une petite dégradation des conditions de cultures dans le rapport hebdomadaire publié par l’USDA lundi dernier. Les ventes de sojas US restent particulièrement peu dynamiques sur le marché mondial, avec des ventes de 250 000 tonnes environ sur la semaine en ancienne campagne, et seulement 610 000 tonnes pour livraison en nouvelle campagne.
La demande chinoise brille toujours par son absence (avec uniquement des annulations enregistrées cette semaine par l’administration américaine). Pour l’instant les sojas US rendus Chine sont toujours pénalisés par une taxe d’importation de 28 % (contre 3 % auparavant). Néanmoins, l’écart avec l’origine brésilienne est maintenant réduit à quelques dollars. D’ici à quelques semaines, lorsque les dernières disponibilités sud-américaines auront été achetées par le géant chinois, un renchérissement des sojas sud-américains est à prévoir, ce qui permettra aux sojas US de réduire l’écart avec ses concurrents et regagner quelques parts de marché en Chine.
Le tourteau de soja perd lui 5 $/t sur la semaine à Chicago en raison d’une forte dynamique de trituration locale. Dans l’UE, les prix des tourteaux sont en légère hausse (+1 €/t à Montoir), leur attractivité dynamisant la demande des fabricants d’aliments.
Le pois voit son prix reconduit, avec un intérêt dans l’alimentation animale, particulièrement sur l’automne.
Conditions climatiques et sursaut du soja soutiennent un peu le colza
À mesure que la récolte de colza progresse en Europe, les résultats décevants se confirment. Le climat considérablement pluvieux durant l’hiver et particulièrement sec et chaud sur le printemps a limité les rendements : nous prévoyons maintenant la récolte européenne proche de 20 millions de tonnes, en baisse de 10 % environ par rapport à l’an passé. La France, l’Allemagne, la Pologne, la Scandinavie et les pays baltes ont notamment été touchés par ces phénomènes climatiques. Le prix du colza remonte de 2 €/t en Fob Moselle et sur Euronext cette semaine, et de 1 €/t en rendu Rouen.
Au Canada, les prix se sont quasi stabilisés (–1 $/t) après la chute de la semaine dernière. Les conditions climatiques correctes n’apportent pas vraiment d’élément haussier au canola (colza canadien). Depuis un mois, la hausse des prix européens et la chute des prix canadiens ont entraîné un regain d’attractivité du canola canadien dans l’UE, qui devrait voir son débouché européen s’ouvrir davantage cette année.
La situation climatique est par ailleurs préoccupante dans l’est de l’Australie, où la sécheresse persistante a déjà affecté les cultures. L’hiver austral y est particulièrement sec, et sans précipitations durant les prochaines semaines, la production pourrait y être sérieusement réduite. Cela pourrait apporter un soutien aux prix européens.
En tournesol, le prix est inchangé cette semaine en France. Les conditions de développement sont correctes en France et en Espagne. En Ukraine, Roumanie et Bulgarie, le tournesol profite du temps chaud et pluvieux alors qu’en Russie, les dernières pluies ne parviendront pas à gommer l’impact de la longue période de sécheresse : les rendements devraient, ainsi, être affectés.
À SUIVRE : condition de floraison du maïs dans l’hémisphère Sud, résultats des moissons de blé et d’orge, climat en Australie (colza), avancées des récoltes de colza dans le nord de l’UE, compétitivité du soja US sur la Chine.