Le principe est celui d’un vaccin : suite à l’injection d’un virus ou autre corps étranger, le système immunitaire s’active et produit des anticorps pour se débarrasser de l’indésirable. Ces anticorps peuvent être récupérés et injectés à un malade pour renforcer sa réponse immunitaire. Pour soigner les vignes, c’est à des chameaux que des chercheurs de l’Inra de Colmar, du CNRS (Strasbourg) et de l’université de Bruxelles ont fait appel.

Un virus de la vigne, le GFLV (de l’anglais grapevine fanleaf virus) leur a été administré, puis les anticorps anti-GFLV qu’ils ont produits ont été récupérés. Pourquoi des anticorps de chameau ? Découverts en 1993, et aussi appelés « nanobodies », ils ont la particularité d’être de petite taille, et ont déjà fait leurs preuves « pour le contrôle de maladies humaines et de certains agents pathogènes, y compris les virus ».

Résistance au virus du court-noué

Le GFLV est responsable de la maladie du court-noué, qui touche « la quasi-totalité des régions viticoles du monde » (1). Ce virus est transmis « de cep en cep par un nématode (ver du sol) qui s’alimente au niveau des racines », indique le communiqué de l’Inra paru le 16 août. L’expression par le génome de la vigne de « nanobodies » conférerait aux ceps de vigne une résistance au GFLV.

Ces résultats, publiés le 10 août dernier dans une revue scientifique de biotechnologie végétale (Plant Biotechnology Journal), ont été obtenus après évaluation de la résistance dans deux fragments de vigne précédemment greffés entre eux : l’un exprimait les « nanobodies » issus de chameau, et l’autre était infecté par le virus responsable du court-noué. Les « nanobodies » du fragment sain ont bien joué leur rôle, empêchant le virus de dépasser le point de greffe.

Des pistes pour des outils de diagnostic

Les travaux utilisant des « nanobodies » antiviraux dans la vigne permettent de mieux comprendre la biologie du virus, mais ne permettent pas encore « de conclure quant à la résistance de la vigne lors de la transmission naturelle du virus par le nématode vecteur ».

La technique mise en œuvre est, elle, très encourageante. L’utilisation de « nanobodies » pourrait permettre le suivi du virus dans la plante ou encore lors de sa transmission par les nématodes. « Au-delà de l’intérêt biotechnologique de ces nanobodies, ces résultats sont prometteurs au plan fondamental et pour le développement d’outils visant la détection de la maladie du court-noué, et d’autres virus de plantes », indique l’Inra.

Pour la recherche fondamentale seulement

Dans son communiqué, l’Inra précise par ailleurs que l’institut « utilise les biotechnologies comme des outils pour acquérir des connaissances fondamentales ». En 2010, des vignes OGM résistantes à la maladie du court-noué, développées par l’Inra de Colmar, avaient été arrachées, suscitant une vive polémique.

Pour ce qui concerne les travaux récemment publiés, l’Inra prend les devants et assure qu’« aucun développement de vignes génétiquement modifiées n’est envisagé à des fins de commercialisation ». Le brevet sur la méthode développée, initialement déposé en 2014, « a été abandonné en 2016 par l’Inra et ses partenaires », assure l’Institut.

A.Cas.

(1) Dont les deux tiers du vignoble français, indique l’Inra.