Changement de cap cette semaine : les facteurs d’inquiétude (climatiques) et la nouvelle chute de l’euro influencent nettement les prix français à la hausse, blé et colza en tête.
Nette hausse en blé
Les prix du blé de la nouvelle récolte affichent une progression marquée cette semaine de 7 à 10 €/t selon les places, pour atteindre 177,25 €/t à Rouen et à La Pallice et 172,50 €/t en Moselle et à Creil (base : juillet). En ancienne récolte, une hausse s’est produite aussi mais elle est moins marquée (+6,50 €/t à Rouen). Sur Euronext, l’échéance de septembre 2018 était cotée à 180,50 €/t le 24 mai (+6 €/t en une semaine). Sur le marché physique, les prix complets de la nouvelle campagne sont maintenant supérieurs de 1 €/t à ceux de l’ancienne.
Derrière cette envolée, plusieurs facteurs à l’œuvre : les inquiétudes concernant l’impact de la sécheresse s’amplifient dans plusieurs grandes régions de production. C’est le cas en Australie où l’ouest du pays reste toujours très sec alors que les semis sont en cours. La situation pourrait s’améliorer légèrement avec l’arrivée de précipitations modérées dans les quinze prochains jours mais elle restera encore critique pendant plusieurs semaines.
Même configuration au Canada : il fait sec sur le sud-est du Saskatchewan et cela retarde les semis. Toutefois, des pluies sont annoncées qui pourraient venir calmer les inquiétudes. Aux USA, la situation reste sèche sur les plaines du sud où les perspectives de rendement s’annoncent très basses. C’est le blé de cette région du monde (blé US HRW) qui a vu son prix monter le plus au cours des derniers jours (+25 $/t, à 260 $/t).
Fortes inquiétudes russes
Enfin, deux problèmes se cumulent en Russie : les semis de printemps sont extrêmement en retard dans l’est du pays à cause d’un excès d’humidité et des températures trop basses (retard le plus important des 25 dernières années). Cela va sans doute conduire à des surfaces ensemencées en blé de printemps plus basses que prévu auparavant. A l’opposé, le sud de la Russie reste assez sec et cela est en train de dégrader les potentiels de rendements dans plusieurs régions. Ainsi, les estimations de la récolte de blé russe sont en train d’être revues à la baisse par les analystes russes et la probabilité que cette récolte chute de plus de 10 millions de tonnes par rapport à celle de l’an dernier devient de plus en plus forte.
Paradoxalement, ce ne sont pas les prix de la mer Noire qui ont le plus grimpé (+2 $/t en nouvelle récolte, à 203 $/t, pour les blés russes à 12,5 % de protéines) mais les prix des blés français qui gagnaient, quant à eux, plus de 7 $/t, à 213 $/t, Fob Rouen, plus sensibles que les blés russes aux mauvaises nouvelles américaines.
Le blé français reste soutenu encore par la faiblesse de l’euro mais aussi par le très gros achat cette semaine de l’Algérie (presque 700 000 tonnes pour chargement en août dont une grosse partie sans doute sera servie par du blé français). L’importance de cet achat conduit à se demander si la demande n’est pas plus forte que prévu en Algérie.
Enfin, à l’opposé, l’Inde vient de relever sa taxe sur les importations de 10 à 30 %, ce qui confirme la volonté de ce pays de limiter les imports en 2018-19.
Plongeon des orges de l’ancienne récolte mais soutien en nouvelle récolte
Au contraire du blé, les orges fourragères de la récolte de 2017 ont vu leur prix s’effondrer au cours de la semaine avec une chute de presque 15 €/t rendu Rouen à 152 €/t en base juillet. Cette évolution s’explique par le tassement des exportations et la chute des utilisations animales sur les derniers mois de la campagne. Nous venons d’ailleurs de revoir en baisse notre prévision des exportations de la France vers pays tiers à moins de 3 millions de tonnes (3,1 millions de tonnes dans le bilan de mai de FranceAgriMer). Les stocks d’orge attendus en France à la fin de juin seront assez importants et cela pèse maintenant sur les prix.
Les premières cotations pour les orges fourragères de la récolte de 2018 sont en revanche élevées, à 174,75 €/t rendu Rouen, soit plus de 10 €/t au-dessus des cotations de l’ancienne récolte (en prix complets). La nouvelle récolte est soutenue par le blé et par la perspective d’un bilan mondial d’orge tendu avec une réduction de la production prévue dans la zone de la mer Noire (Russie et Ukraine).
Sur le segment brassicole, peu de variations : légère hausse des prix pour les variétés d’hiver et légère baisse pour les variétés de printemps dans un environnement qui s’annonce toujours plutôt lourd pour les orges de brasserie en 2018-19.
Le maïs suit le blé en France
Les semis français sont presque terminés : ils ont progressé à 94 % des intentions (99 % l’an dernier à la même date). Les maïs français sont restés stables en Fob Rhin et se sont appréciés de 4 €/t à Bordeaux, tirés par la hausse du blé.
En revanche, sur le marché mondial, la tendance générale était à la baisse cette semaine : cela est dû à l’Ukraine où il reste encore des quantités non négligeables à vendre alors que l’intérêt acheteur diminue. Les disponibilités de l’Ukraine à vendre vers d’autres pays que la Chine sont revues à la hausse actuellement puisque la situation entre la Chine et les USA semble être en train de se détendre. Cela signifie que la Chine pourrait acheter plus de maïs US que prévu il y a quelques semaines (même si la Chine n’est pas un gros importateur de maïs).
Par ailleurs, l’Asie est en cours d’achat actuellement et elle choisit massivement le blé fourrager de la mer Noire, moins cher que le maïs. Cela pèse sur le marché mondial du maïs malgré le retard des ensemencements US.
Le retour des acheteurs chinois sur le marché US fait grimper le soja
Cette semaine, le prix du soja était orienté à la hausse. Il a gagné 15 $/t depuis la semaine dernière sur le rapproché et 16 $/t sur la nouvelle campagne (échéance de novembre). Il a été principalement soutenu par l’avancement des négociations sino-américaines. En effet, le 20 mai, dans une déclaration commune, les États-Unis et la Chine ont annoncé leur volonté de réduire leurs déséquilibres commerciaux et d’augmenter ainsi les exportations agricoles et énergétiques des États-Unis vers la Chine. Cela laisse penser que l’imposition des taxes douanières annoncées ces derniers mois pourrait ne pas se concrétiser.
Faisant suite à ces annonces, les acheteurs chinois seraient de retour sur le marché US pour des livraisons sur la fin de l’été et la nouvelle campagne. Au Brésil, la grogne des transporteurs routiers a participé également à ce contexte haussier. Ceux-ci ont protesté contre les prix trop élevés du diesel et ont ralenti l’acheminement des camions de soja vers les ports.
Aux États-Unis, les semis progressent rapidement. D’après l’USDA, ils étaient réalisés sur 56 % des surfaces au 20 mai (44 % en moyenne quinquennale). Des conditions sèches prédominent toutefois dans les États du Minnesota, des deux Dakotas et du Missouri.
Les tourteaux de soja n’ont que partiellement suivi le mouvement haussier. Sur le marché à terme de Chicago, ils progressent de 2 $/t sur le rapproché. À Montoir, ils perdent 6 €/t, la baisse de l’euro contrant partiellement la hausse des prix en dollar.
Le pois fourrager reste coté à 170 €/t
Conditions de culture et marché du biodiesel soutiennent le colza
Les inquiétudes sur le développement des colzas européens font encore monter les prix cette semaine. Le colza français progresse de 4 €/t à Rouen et de 5 €/t en Fob Moselle. Sur Euronext, la hausse est de 9 €/t sur le rapproché (échéance d’août). Le temps sec et chaud dans une grande partie de l’Europe inquiète après une floraison trop courte et peu franche. Des pluies seraient rapidement nécessaires pour assurer un bon remplissage des siliques et un maintien des potentiels de rendement.
Plusieurs annonces du côté du biodiesel sont aussi venues soutenir les prix du colza. D’une part, l’UE vient de mettre en place un « enregistrement » des importations de biodiesel argentin, laissant présager le rétablissement prochain d’une taxe anti-dumping avec effet rétroactif. D’autre part, l’Indonésie a annoncé l’augmentation de son mandat d’incorporation de biodiesel à 25 % à partir de 2019, ce qui limiterait les disponibilités à l’export vers l’Europe.
Les prix du canola canadien sont en hausse de seulement 1 $/t à Winnipeg. Les semis avancent bien dans les prairies de l’Ouest canadien, même si certaines zones restent encore trop sèches. En Australie, les semis d’hiver sont en cours et les pluies annoncées pour les 15 prochains jours seront bienvenues.
Le tournesol est encore resté stable sur la semaine, à 320 €/t à Saint-Nazaire. Les semis accusent un petit retard dans le sud-ouest de la France.
À SUIVRE : climat en Australie, au Canada et en Russie, négociations commerciales entre la Chine et les États-Unis, climat dans l’hémisphère Nord (blé/colza/tournesol/soja), marché du biodiesel européen.