La remontée n’aura pas duré longtemps. Les prix sont repartis à la baisse cette semaine pour les céréales à paille avec une estimation plus élevée que prévu de la récolte de blé d’hiver aux États-Unis. Et, pour le soja, à cause des incertitudes sur la demande chinoise. Le colza tire en revanche son épingle du jeu à la suite notamment des difficultés des semis au Canada.

Le blé en baisse malgré les inquiétudes météo

Le marché physique français du blé n’est guère dynamique en cette période de ponts de mai. Les derniers prix disponibles, datant de mercredi, font état d’un effritement des cours de l’ancienne récolte comparativement à la semaine dernière. Le rendu Rouen cède 3 €/t à 160 €/t, les autres places physiques affichant des évolutions similaires.

La faiblesse de l’euro face au dollar est certes un facteur de soutien, mais les jeux sont désormais faits sur le front de l’exportation pour cette fin de campagne. Et la France va achever cette saison sur un piètre score vers les pays tiers. Un nouveau chargement à destination de l’Arabie Saoudite, au début de mai, apporte une petite note positive.

La France devrait ainsi exporter près de 700 000 tonnes de blé vers ce pays, un exploit historique. C’est le résultat de la combinaison entre une Pologne aux abonnés absents et une excellente qualité de la récolte française permettant de répondre aux exigences élevées des Saoudiens.

Un rapport surprise

La parution du rapport du ministère américain de l’Agriculture (USDA) hier a été le principal événement de la semaine. Les autorités états-uniennes ont surpris les opérateurs avec une prévision de stock de blé américain à la fin de 2017-2018 supérieure aux attentes, ainsi que par une prévision de production pour 2018-2019 plus élevée que ce qu’anticipait le marché.

Cela a mis Chicago sous pression hier, avec un contrat blé qui a perdu un peu des gains enregistrés ces dernières semaines. Il reste que les blés d’hiver américains sont assurément en très mauvais état du fait de la sécheresse, que le temps demeure trop sec en Russie et surtout en Australie, où les semis débutent dans la poussière. Si les pluies ne reviennent pas dans les deux semaines en Australie, surfaces et rendements devraient s’en trouver définitivement pénalisés.

Ces éléments supportent les prix en nouvelle récolte, notamment autour de la mer Noire et, par ricochet, dans l’Union européenne. En revanche, les conditions demeurent très bonnes en Europe de l’Ouest, et, en Argentine, le retour des pluies favorables au semis pourrait entraîner des surfaces plus importantes que prévues. Un point crucial pour la France, qui a vu ses exportations vers l’Algérie en 2017-2018 férocement concurrencées par l’origine argentine…

L’orge de nouveau sous l’influence du blé

Le prix de l’orge fourragère nouvelle campagne a suivi à la baisse le blé, le rendu Rouen ayant perdu 2 €/t à 164,75 €/t. Les premières cotations mer Noire pour la nouvelle campagne indiquent que l’orge russe serait cotée à 207 à 208 $/t, tandis que l’orge française Fob Rouen est cotée à 203 $/t. Cette dernière bénéficie de la baisse de l’euro vis-à-vis du dollar.

La concurrence s’annonce de nouveau importante sur les premiers mois de la nouvelle campagne, mais le recul prévu de la récolte en mer Noire devrait conduire à une baisse des volumes exportés au départ de cette région. En revanche, les exportations de l’Union européenne, et en particulier de la France, sont prévues en hausse. En effet, en France, la consommation animale d’orge devrait reculer au profit des autres céréales et permettre d’augmenter les exportations, sous réserve que la production ne souffre pas d’aléas climatiques d’ici à la récolte.

Des inquiétudes émergent actuellement en Australie, à l’aube des semis où les sols sont en déficit hydrique à la suite du manque de précipitations de ces derniers mois. Des pluies sont prévues dans les prochains jours, mais il faudra qu’elles se poursuivent afin d’améliorer significativement la situation. L’Australie étant un acteur majeur sur le marché mondial de l’orge, le volume de sa récolte aura des conséquences importantes sur les exportations européennes (notamment françaises vers la Chine).

Pour les orges de brasserie, la situation des orges de printemps « se rattrape » plutôt bien en France malgré les semis tardifs. Dans le reste de l’Union européenne, la situation est plus contrastée même si des améliorations sont à noter en Europe du Nord. L’orge de printemps Fob Creil a gagné 2 €/t à 195 €/t, tandis que celle d’hiver s’est maintenue à 170 €/t.

Stabilité du maïs

Les prix du maïs sont restés stables sur la façade atlantique (162,25 €/t Fob Bordeaux) cette semaine malgré le petit sursaut observé en Fob Rhin (+1 €/t, à 168 €/t). Les prix français n’ont pas suivi la baisse des valeurs argentines ou ukrainiennes. Il reste encore des volumes importants à vendre en Ukraine.

Les prix français sont donc restés plutôt dans le sillage des valeurs américaines alors que l’USDA entérinait, dans sa première estimation de l’offre et de la demande pour 2018-2019, une nette baisse de la prévision de la récolte de maïs aux États-Unis : –15 Mt, à presque 357 Mt.

Le retard des semis à cause du temps froid et humide aux États-Unis et la sécheresse au Brésil qui inquiète pour la seconde récolte, sont restés des éléments de soutien des prix du maïs sur le marché mondial. La concurrence exercée par le sorgho dérouté de Chine vers d’autres pays d’Asie ou d’Europe, l’Espagne notamment, a toutefois été un facteur de modération.

Il apparaît probable que la situation mondiale du maïs commence à s’assainir en 2018-2019 si les récoltes atteignent bien les prévisions (baisse des stocks). Malgré cela, les principaux exportateurs auront suffisamment de disponibilités pour répondre à la demande mondiale. La situation est donc plutôt neutre pour les prix de maïs qui restent actuellement très sujets aux conditions d’implantation.

En France, justement, les semis ont bien progressé cette semaine, passant de 54 % à 71 %), mais ils restent encore en retard par rapport à l’an passé (91 % semés à la même date).

Démarrage difficile des semis de canola au Canada

Cette semaine, le canola sur le marché canadien a grimpé de 6 $/t. Bien que les semis progressent (9 % au Saskatchewan en début de semaine), ils sont en retard de 10 points par rapport à la moyenne quinquennale. Un début de printemps très froid et sec en est la cause. Une partie des champs, environ un quart des surfaces, restent trop secs et auront besoin de pluies dans le mois à venir pour assurer une bonne levée des plants.

Un affaissement de la monnaie canadienne face au dollar américain a également apporté une note de soutien, tout comme la remontée du prix de l’huile de palme, faisant suite à une production a priori moins élevée que prévu sur avril, mais aussi du prix du pétrole, malmené par la sortie des États-Unis de l’accord sur le nucléaire iranien. Avec un prix du pétrole élevé, l’huile de palme apparaît compétitive en tant que carburant sous la forme de biodiesel, ce qui soutient la demande pour ce produit.

Les prix du colza en France remontent ainsi en rendu Rouen (+4 €/t cette semaine) et sur Euronext (+5 €/t). La baisse de la monnaie européenne a par ailleurs contribué à faire monter les prix en euros dans l’Union européenne. Le prix Fob Moselle reste stable cette semaine, la demande étant en berne sur l’Allemagne en cette fin de campagne plutôt bien approvisionnée.

Le prix du tournesol est lui stable à 320 €/t à Saint-Nazaire, les prix étant plafonnées là aussi par une faible demande et des stocks de report conséquents.

La demande chinoise pèse sur le tourteau de soja

Contrairement au colza, les prix sont en baisse sur le complexe soja américain cette semaine. Le prix du soja américain perd 11 $/t sur mai 2018 et 7 $/t sur novembre 2018. Les achats chinois de soja originaire des États-Unis sont pratiquement inexistants depuis 3 semaines, la menace de la taxe d’importation rehaussée de 25 points freinant les importateurs.

De plus, les annulations de bateaux continuent, au profit de l’origine brésilienne, plutôt compétitive vu ses disponibilités et le recul de sa monnaie qui s’est encore renforcé cette semaine. Par ailleurs, en Chine, les signaux sont désormais tous au rouge. La chute du prix du porc limite la production de viande et la demande en protéines. Le gouvernement chinois souhaite aussi doper la production locale, et désire ne pas importer plus de soja en 2018-2019, ce qui serait une première depuis 15 ans. Bref, tout cela a entraîné les prix à la baisse, y compris ceux des tourteaux. À Montoir ils perdent 12 €/t cette semaine (à 405 €/t) et ceux sur le marché de Chicago reculent de 9 $/t.

La publication hier par le ministère américain de l’agriculture de stocks de soja mondiaux en recul sur la nouvelle campagne n’a pas réussi à véritablement modifier cette tendance de marché. Les opérateurs doutent de l’hypothèse de hausse de 6 Mt de l’USDA concernant les importations chinoises à 103 Mt.

Le pois fourrager reste, qunlui, stable cette semaine.

Tallage

À suivre : semis de blé et d’orge en Australie et en Argentine, temps sec en Russie, dégradation des conditions en Europe du Sud-Est, déroulement des semis de canola au Canada, avancée des discussions commerciales entre la Chine et les États-Unis, conditions climatiques en Europe et autour de la mer Noire (colza/tournesol)