Le prix du soja a chuté d’environ 5 % à Chicago après l’annonce chinoise, avant de se reprendre et de terminer en baisse de 2,19 % : le boisseau de soja pour livraison en mai a fini à 10,1525 dollars contre 10,3800 dollars mardi soir. « Après une réaction épidermique, le marché a modéré sa position car il est encore fort possible que la menace de la Chine ne soit pas mise à exécution », réagit Bill Nelson, de Doane Advisory Services.

Le premier client des États-Unis

En représailles aux sanctions commerciales américaines, Pékin a fait part de son intention d’imposer des droits de douane à hauteur de 25 % sur les achats de soja produit aux États-Unis. Or le pays en est le plus important client des Américains : il en a commandé 12 milliards de dollars en 2017, ce qui représente environ 30 % de la production des États-Unis.

« Même si les taxes sont mises en œuvre, cela ne réduira pas forcément drastiquement la demande pour le soja américain, estime Bill Nelson. La Chine, qui a toujours besoin de soja pour ses élevages, pourrait se fournir plus auprès du Brésil et de l’Argentine. Mais d’autres pays pourraient par ricochet se tourner vers les États-Unis.

Des agriculteurs inquiets

L’Amérique rurale chère à Donald Trump est sur le qui-vive face à cette attaque frontale contre le soja produit aux États-Unis. « On a averti l’Administration et les membres du Congrès que cela allait arriver dès que la perspective de taxes sur les importations a été évoquée », rappelle John Heisdorffer, agriculteur dans l’Iowa et président de l’Association américaine des producteurs de soja.

Le représentant des agriculteurs estime que la décision chinoise « aura un effet dévastateur sur tous les producteurs de soja aux États-Unis ». La Chine avait déjà envoyé un avertissement en lançant au début de février une enquête sur les importations de sorgho américain, dont elle a commandé pour environ 1 milliard de dollars l’an dernier.

Une décision politique

Une décision « forcément politique » puisque le soja est produit principalement au Texas, dans l’Oklahoma et le Kansas, des États où le Donald Trump est arrivé largement en tête aux élections de 2016. « Il reste du temps pour limiter les dégâts et l’Administration peut soutenir les agriculteurs en retirant les taxes qui ont causé cette mesure de représailles », plaide John Heisdorffer, appelant Donald Trump à une action « constructive » et non « punitive ».

Si la Chine met quand même sa menace à exécution, cela « modifiera la structure des échanges commerciaux », estime Bill Nelson. Pékin se tournera probablement plus vers les deux principaux concurrents des États-Unis, à savoir le Brésil et l’Argentine, mais les producteurs américains récupéreront d’autres clients.

Les farmers américains avaient déjà prévu de semer moins de soja ce printemps que l’an dernier, selon le rapport de l’USDA publié la semaine dernière. Même si beaucoup d’entre eux ont déjà acheté leurs semences et leurs engrais, « des ajustements supplémentaires sont encore possibles », note Chad Hart, économiste à l’Université de l’Iowa.

Difficile de s’en passer

De plus, « à moins que la Chine ne souhaite réduire considérablement sa production de viande, il faut bien nourrir les animaux et il n’y a pas beaucoup d’alternatives au soja pour les poulets et les porcs », souligne Bill Nelson. Pékin peut recourir à ses abondantes réserves et inciter ses propres agriculteurs à semer plus de soja. « Mais ce genre de mesures n’aura un impact qu’à la marge », estime-t-il.

Dans le même temps, « aucun autre pays ne peut augmenter suffisamment sa production pour compenser le soja américain », remarque Chad Hart. La Chine devra de toute façon continuer à se fournir auprès des États-Unis. « Le soja reviendra juste plus cher, ce qui conduira au final à des prix plus élevés pour ses consommateurs », prévoit-il.

AFP