«Le 27 février 2010, notre département était en alerte rouge avant l’arrivée de la tempête Xynthia. Le soir, nous nous sommes confinés, avec ma femme enceinte de six mois, dans la chambre de notre fils de sept ans. Il était plus rassurant de passer la nuit tous ensemble. Privés d’électricité, nous ne pouvions pas voir d’où venaient tous ces bruits assourdissants à l’extérieur. Le lendemain, en ouvrant les volets, j’ai découvert l’ampleur de la catastrophe : l’eau de mer avait envahi le quartier et les terres environnantes, emportant tout sur son passage. Le rivage n’est qu’à 500 mètres de chez nous. La vague n’est pas rentrée dans nos murs car la maison est légèrement surélevée.
Tout de suite, nous avons cherché à contacter les membres de nos familles et fort heureusement, ils étaient indemnes. Plus tard, dans la journée, j’ai appris qu’il y avait eu de nombreuses victimes. Face à ce désastre, notre premier sentiment fut de dire partons loin d’ici et allons vivre ailleurs. Mais rapidement, la raison a repris le dessus. Après avoir trouvé un hébergement dans la famille, je suis revenu dès le lendemain sur la ferme pour constater les dégâts : 150 ha sur les 160 que j’exploitais étaient recouverts par l’eau de mer. La récolte était perdue et je ne savais pas si je pourrais un jour remettre ces terres en culture.
L’entraide a opéré
Très vite, un élan de solidarité s’est enclenché. La coopérative a mis en place des moyens pour évacuer les déchets. Des réunions se sont organisées entre agriculteurs sinistrés et des collègues venus de plus loin. La première urgence était d’épandre du gypse pour neutraliser le sel et redonner de la portance aux sols. Pour cela, j’ai dû emprunter à la banque sans savoir si je serais indemnisé. Je n’avais pas d’autre choix que d’aller de l’avant, d’autant que notre deuxième enfant est né en mai. Ces efforts n’ont pas été vains car depuis deux ans environ, les choses sont à peu près revenues à la normale, même si je ramasse encore des déchets dans les champs.
Psychologiquement, nous restons marqués par cette tragédie. Quand je vois des images de cyclone à la télévision ou dès que les premiers coups de vent de l’hiver arrivent, je suis angoissé. Je me dis parfois que j’aurais dû accepter un soutien psychologique. Il n’y a pas de honte à cela. Aujourd’hui encore, cela me fait du bien d’en parler. »