« Je suis installé avec mon père, mon frère et mon oncle, en production de lait et en cultures (pommes de terre, céréales, betteraves, etc.). L’un de nos champs jouxte un lotissement, où habite un voisin ayant eu un cancer de la prostate, dont il est guéri. Pour lui, les pesticides en sont la cause. Il a contacté La Voix du Nord, le journal local, à ce sujet. »
Nouer le dialogue
« Nous lui avons proposé de venir à la ferme pour discuter. Là, il nous a dit qu’il n’avait rien contre les agriculteurs, que son grand-père l’était, mais que c’était prouvé, son cancer était la conséquence des épandages de phytos. Il en avait parlé avec un médecin, en faisant des recherches par internet. Nous avons essayé d’expliquer nos pratiques, comment nous réduisons les traitements, mais c’était comme parler à un mur. »
« Cela ne nous a pas amenés à changer nos pratiques, déjà réfléchies, mais c’est un sacré stress. La situation peut très vite s’emballer avec la médiatisation. La Voix du Nord n’a pas vraiment cherché à enquêter : le premier article mentionnait juste que nous n’avions pas souhaité répondre. »
« J’ai harcelé la rédaction et j’ai fini par obtenir un droit de réponse, mais je n’étais pas là quand les journalistes sont venus. Ils ont interviewé mon père et l’ont fait passer pour un agriculteur qui épand des produits parce que c’est autorisé, sans s’interroger. L’ARS (1), qui a été saisie, n’a pas donné suite. D’autres articles ont été publiés dans le journal local. »
« Un exercice assez perturbant »
« Ensuite, l’émission télévisée Enquête de santé sur France 5 cherchait des témoignages sur le sujet. Les journalistes sont tombés sur les coupures de presse nous concernant et nous ont contactés. J’ai accepté, mais ce fut un exercice assez perturbant. Ils ont d’abord interviewé mon voisin et le médecin dans ma parcelle. Cela m’a fait mal qu’ils filment mon champ sans que je ne sois là. Puis, ils sont venus chez moi, avec mon voisin. »
« Nous avons discuté pendant 45 minutes. Ils ont gardé quelques passages. Ces coupes me conviennent relativement, j’y défends la profession en donnant des explications. L’émission a été diffusée à la mi-décembre 2019. J’ai eu de bons retours d’agriculteurs qui l’ont vue. Fort heureusement, les journalistes n’ont pas parlé que de notre cas durant toute l’émission, ils l’ont élargie. Il n’y a pas eu un trop gros focus, ni de reprise dans d’autres médias. »
> Voir aussi : DecodAgri, le décodage de l’agribashing
(1) Agence régionale de santé.