Oubliée la méthode du bilan pour raisonner sa fertilisation azotée, oubliés l’objectif de rendement et le calcul du reliquat sortie hiver… Clémence Ravier, à travers sa thèse Inra-Arvalis-Ademe, propose une nouvelle méthode pour piloter sa fertilisation. Elle repose sur le suivi de l’indice de nutrition azotée de la plante (INN, lire encadré ci-contre), de la sortie de l’hiver au stade gonflement. « Il existe plusieurs biais avec la méthode du bilan, explique Bertrand Omon, de la chambre d’agriculture de l’Eure, qui a testé cette technique avec des agriculteurs (lire encadré ci-dessous) : l’objectif de rendement fixé est parfois celui espéré, et non celui réellement atteignable, le calcul du reliquat, et son interprétation, peuvent aussi manquer de fiabilité selon la représentativité de l’échantillon de terre. »

À partir de nombreux essais sur l’azote avec Arvalis et l’Inra, des valeurs d’INN minimum ont été identifiées sur tout le cycle du blé : sous ce seuil, des pertes de rendements sont observées, et au-dessus, non. Ainsi, si l’INN, mesuré avec un capteur de type chlorophylle-mètre par exemple (comme la pince N-tester Yara), est au-dessus, et ne risque pas de passer sous le seuil d’ici le prochain jour aux conditions favorables pour valoriser l’engrais (1), aucun apport n’est recommandé. De fortes carences précoces sont ainsi tolérées par le blé sans perte de rendement.

Cette méthode « favorise les apports plus tardifs qui augmentent l’efficience d’utilisation de l’engrais apporté, celle-ci étant liée à la vitesse de croissance de la plante au moment de l’apport », explique Marie-Hélène Jeuffroy, chez Arvalis. Lorsqu’un passage est nécessaire, la dose à apporter est fournie par des abaques mis au point selon le précédent et les conditions de sol et de climat de la région. Cette dose maintiendra l’INN au-dessus des seuils, jusqu’à la prochaine période de conditions climatiques favorables pour valoriser l’engrais où il faudra à nouveau estimer l’INN.

70 unités d’économisées

Cette méthode basée sur l’INN a été comparée à celle du bilan sur vingt années, le résultat est sans appel :

  • La dose totale d’azote apportée a été réduite de 70 kg N/ha sans baisse significative de rendement, et la date du premier apport, plus variable selon le climat de l’année avec la méthode basée sur l’INN, est retardée de 25 à 70 jours par rapport aux dates habituelles.
  • Les pertes azotées ont été réduites de 50 unités, en passant de 55 pour la méthode du bilan à 5 pour celle basée sur l’INN.
  • Le seuil de 11,5 % de teneur en protéines a été atteint pour 70 % des années, contre 50 % avec la méthode du bilan.

 

(1) Quand le sol est humide ou qu’une pluie supérieure à 10 mm est annoncée dans les trois jours, quand il fait doux et qu’aucun apport d’engrais n’a été réalisé dans les quinze jours précédents.