Alors que la méthode du bilan fêtera bientôt son cinquantième anniversaire, ses résultats aux champs ne sont pas toujours satisfaisants. « Déjà dans les années 1980, elle montrait ses limites dans certaines situations, comme en sols caillouteux », rappelle Jean-Marc Meynard (1), directeur de recherche à l’Institut national de la recherche agronomique.

Ce modèle de raisonnement de la fertilisation azotée s’est pourtant imposé comme la référence, au point de s’inscrire en 2013 dans la réglementation française. « Les points forts de cette méthode sont qu’elle s’adapte à la plupart des situations, et qu’elle peut intégrer les progrès de modélisation de la fourniture du sol ou des besoins du blé », souligne le chercheur.

Nouvelles approches

Mais la robustesse de l’outil se heurte à des difficultés de mise en œuvre. C’est notamment le cas avec la fixation d’un « objectif de rendement », qui donne lieu à des interprétations différentes : certains agriculteurs y voient le rendement moyen sur plusieurs années, quand d’autres inscrivent le rendement potentiellement atteignable. Face à ces constats, de nouvelles approches de raisonnement de la fertilisation azotée voient le jour. Elles ne sont plus basées sur l’objectif de rendement, ni sur le reliquat d’azote minéral en sortie d’hiver. En revanche, elles prennent en compte les besoins des plantes en cours de croissance, ainsi que le risque de sécheresse, afin de valoriser les apports d’azote.

C’est le cas de la méthode APPI-N, développée par l’Inra, qui repose sur l’indice de nutrition azotée (INN) de la culture. Celle-ci se mesure grâce à des capteurs de type N-Sensor, et informe sur la qualité de la nutrition azotée d’une culture à un moment donné. Dès qu’une carence est détectée, le modèle propose une dose d’azote minimum à apporter, afin de maintenir l’INN de la plante sur une trajectoire de croissance qui n’induit pas de perte de rendement.

« La méthode APPI-N se base sur deux constats. Premièrement, le blé tendre peut supporter une carence en azote, sans perte de rendement ou de teneur en protéines, détaille Marie-Hélène Jeuffroy, directrice de recherche à l’Inra de Grignon. Deuxièmement, la plante valorise mieux l’azote lorsque sa croissance est forte. »

Accepter les carences

Avec ce nouveau mode de raisonnement de la fertilisation azotée, les apports de début de cycle sont retardés. « Un blé qui n’est pas fertilisé s’alimente du reliquat azoté, explique Marie-Hélène Jeuffroy. Une fois ce reliquat consommé, la carence apparaît, mais tant qu’elle reste au-dessus de la trajectoire calculée, elle doit être acceptée et est même recommandée. » La chercheuse rappelle qu’une carence en début de montaison réduit les risques de maladies et de verse.

La méthode APPI-N a, pour le moment, été testée et validée chez des agriculteurs en Poitou-Charentes et en Normandie. Elle a permis un gain d’azote et moins de pertes.

(1) Les interventions ont eu lieu lors de l’assemblée générale de l’Association française d’agronomie, le 31 mai à Paris.