«Passerelle pour l’accès des génisses de l’autre côté de la berge, busage du ruisseau pour le passage des tracteurs, élargissement de la bande enherbée, achat d’une bineuse… » : Thierry Cornillet détaille tous les aménagements réalisés en 2020 par le Gaec Les pâtures Lort. Située à Quintenic (Côtes-d’Armor), l’exploitation de 4 associés comprend 100 vaches laitières (et la suite), ainsi qu’un atelier d’engraissement de porcs sur une surface de 130 ha.

Un suivi renforcé de la qualité de l’eau

Le site des génisses est traversé par le Reus, un affluent du Chiffrouët, dont le bassin versant (BV) est un territoire pilote qui bénéficie d’un suivi renforcé de la qualité de l’eau. « Depuis 2017, nous avons repéré des problèmes de contamination des cours d’eau avec des herbicides maïs et des pics lors des épisodes orageux via des phénomènes d’érosion », explique Cédric Jaffry, conseiller des chambres d’agriculture de Bretagne. Un programme d’actions a été mis en place, en 2019, par la collectivité Lamballe Terre et Mer avec tous les acteurs du terrain (exploitants, coopératives, négociants, prestataires indé­pendants, ETA, Cuma) de façon à accompagner les agriculteurs. Sur 100 exploitations sur le BV, 66 produisent du maïs avec de nombreux élevages de porcs sur la zone.

0,5 ha de bande tampon

Une cartographie des parcelles à risque de transfert a été effectuée sur tout le cheminement du Reus. Au Gaec Les pâtures Lort, un endroit s’est révélé particulièrement exposé : une parcelle en forte pente qui arrivait à proximité du ruisseau. En hiver, il se formait une cuvette accentuée par le passage des tracteurs et des animaux dans le lit du ruisseau, à la belle saison.

La passerelle permet le passage des génisses sur bande enherbée étendue. © I. Lejas

Le premier travail a été de buser le passage des engins. En discutant avec les conseillers, les agriculteurs ont proposé d’élargir la bande enherbée au bord du cours d’eau en passant de 10 m de large à 40 m (0,5 ha) pour faire tampon. Pour valoriser l’herbe, une passerelle a été installée afin que les génisses puissent aller pâturer.

Ces aménagements n’auraient pas été suffisants sans l’évolution des pratiques agricoles. « Nos principaux leviers sur le BV sont la réduction des matières actives par l’utilisation de méthodes alternatives et d’éviter les transferts », indique le conseiller. Le Gaec a investi dans une bineuse (5 100 €, dont 40 % d’aide de l’Agence de l’eau). À la suite du semis (après labour), un premier traitement a été appliqué au stade 2-3 feuilles avec 2 produits. Sur la parcelle, le grammage est de moins de 150 g/ha de matière active et l’IFT est à 0,7 alors que la moyenne sur le BV est de 470 g/ha et 1,33. Le second passage a été fait au stade 10 feuilles en binage. « Il a bien fonctionné sur les 30 premiers ha. Le maïs était propre. Nous n’avons pas réussi à passer partout à cause d’un orage au mois de juin (100 mm), détaille Thierry Cornillet. Pour la première année en mécanique, nous sommes satisfaits des résultats avec un rendement en maïs de 14 t MS/ha contre 11 t MS/ha en 2019. D’habitude, nous faisions deux traitements. Grâce au binage nous avons économisé un passage, soit 20 € de produit/ha en moins par rapport à 2019. »

« L’autre intérêt du binage est de venir casser la croûte de battance sur nos terres très argileuses et, donc, de limiter l’érosion », complète Florent Moricet, l’un des associés.

Accompagnement

« Malgré des rotations céréalières simplifiées (maïs deux années sur trois), ce faible usage en produits est permis par la réalisation d’un labour avant le semis, d’interventions chimiques ainsi que mécaniques au bon stade des adventices et dans des conditions optimisant leur efficacité », confirme Cédric Jaffry.

Une telle stratégie de désherbage revient à 98 €/ha (35 €/ha de produits + 18 € de passage de pulvérisateur, main-d’œuvre comprise) + 45 €/ha (en cas de prestation de binage). La mise en place de couverts végétaux ou de dérobées à chaque interculture longue aide de plus à limiter le stock de semences.  « Réduire les phytos, modifier nos pratiques… Nous avons la chance d’être accompagnés pour avancer en ce sens. C’est du gagnant-gagnant », reconnaissent les éleveurs.

Isabelle Lejas