«Boursagri devrait ouvrir au business début janvier », annonce Raphaël Jeudy, cogérant du négoce Jeudy qui a lancé la plate-forme. En septembre 2018, le négoce avait profité du salon Innov’agri pour dévoiler la « première place des marchés physiques en ligne », l’équivalent du Matif, mais en ligne, et destiné aux lots de grains physiques réels. Le principe : vendeurs et acheteurs fixent eux-mêmes leurs prix, et un contrat est automatiquement généré lorsque l’offre et la demande correspondent. Boursagri se rémunère via un prélèvement d’une commission à la tonne par transaction.
L’initiative semble s’inscrire dans un mouvement plus large de transformation de l’activité de vente de céréales, s’appuyant de plus en plus sur des outils numériques.
L’offre peut faire penser à Ositrade, « la première place des marchés en ligne dédiée aux professionnels du grain ». Si les deux plate-formes proposent de mettre en relation directe vendeurs et acheteurs, leurs fonctionnements internes diffèrent légèrement. « Notre plate-forme n’est pas impliquée dans la chaîne de transaction », explique Philippe Lehrmann, cofondateur d’Ositrade.
En revanche, Boursagri est propriétaire de la marchandise pendant le processus de contractualisation, même un court instant. « S’il y a un problème de livraison ou de qualité sanitaire, c’est le négoce Jeudy qui prend le risque à sa charge », certifie Raphaël Jeudy.
Ositrade vise plutôt des gros volumes. Il axe sa communication sur l’aspect sécuritaire des opérations. Avec sa technologie blockchain, il offre à ses utilisateurs un gage de traçabilité de la marchandise considérable. Notamment dans l’industrie agroalimentaire et la grande distribution, où il garantit aux consommateurs une traçabilité totale. Il simplifie aussi grandement les tâches administratives, lourdes pour les opérateurs. L’outil est encore en phase de test pour quelques semaines, mais est ouvert aux pré-inscriptions.
ComparateurAgricole.com, lancé en décembre 2016, est le « premier OS en ligne ». À la différence de Boursagri et d’Ositrade, il s’agit d’une vitrine de prix et d’un réseau d’acheteurs, et non d’une place des marchés. Le prix des offres sur ComparateurAgricole.com est, quant à lui, indexé sur les marchés des matières premières agricoles. L’entreprise travaille en outre avec les transporteurs nationaux afin d’optimiser le coût de la logistique. Le site s’est également lancé dans la vente d’engrais.
Transparence sur le prix
Le point commun entre toutes ces démarches ? Proposer des alternatives aux systèmes de vente « traditionnels », de façon à simplifier le circuit du grain, et de gagner en transparence.
Encore récemment, les transactions se faisaient uniquement sur la base d’informations transmises oralement, dans un marché assez opaque. Cette transformation des relations commerciales semble inéluctable : « Si ce n’était pas nous, ça aurait été un autre », considèrent les dirigeants du négoce Jeudy. Le but est également de réduire les intermédiaires, regagner de la marge et apporter plus d’autonomie aux agriculteurs.
Aide à la prise de décisions
Des outils d’aide à la décision ont également vu le jour ces derniers mois. À quel prix espérer vendre une moisson ? Comment gérer le risque de la volatilisation des prix ? Contrairement aux offres Boursagri, Ositrade et ComparateurAgricole.com, ces aides ne permettent pas de vendre directement sa moisson, mais elles apportent un service pour les prises de décision.
Prix-moissons.com, par exemple, est une plate-forme gratuite et collaborative, sur laquelle les agriculteurs renseignent le prix auquel ils ont vendu leurs céréales (blé, maïs, orge, colza, orge brassicole). L’objectif du site, lancé en septembre 2018, est aussi d’amener plus de transparence sur le marché de la commercialisation des céréales. Il offre la possibilité de consulter les prix enregistrés par les agriculteurs sur l’ensemble du pays. Anonymes, les données sont toutefois géolocalisées à l’échelle des communes, de manière à estimer un potentiel de vente vis-à-vis des prix aux alentours. L’outil a été proposé par Farmleap, premier centre d’études techniques agricoles (Ceta) numérique. Il sera d’autant plus utile si un grand nombre d’agriculteurs y prend part.
S’affranchir des émotions
Intégrant un pan plus large de la commercialisation, la société Piloter sa ferme a vu le jour en 2015, et met à disposition un outil d’aide à la commercialisation des céréales. Il fournit aux agriculteurs des éléments les assistant à prendre les décisions basées sur des algorithmes mathématiques. La gestion des risques économiques se veut plus « rationnelle », en s’éloignant du facteur émotionnel de l’acte de vente. Il prend ainsi en compte différents paramètres propres à chaque exploitation : coût de production, besoins de trésorerie, mode de commercialisation (prix campagne, prix ferme, marché à terme), aversion au risque.
Face à la multiplication des offres bousculant l’acte de vente des grains, il appartient à chaque exploitant de trouver celui qui lui correspond le mieux, voire de les combiner.
Hélène Parisot