Pour qu’un produit phytosanitaire soit mis sur le marché, des essais d’efficacité, de sélectivité et de résidus doivent être réalisés par les firmes. En recevant des essais plein champ sur son exploitation, Jean-Jacques Ombredane, agriculteur à Suèvres, dans le Loir-et-Cher, participe à l’évaluation des matières actives et constitue un des maillons de la longue chaîne qui mène à l’homologation d’un produit phyto.
Essais en colza, blé, orge
L’agriculteur, qui exploite 90 ha de blé tendre, blé dur, orge, colza, lin et lentilles compte une vingtaine d’essais cette année. Certains sont réalisés par les firmes elles-mêmes, d’autres par des prestataires de services en expérimentation agronomique, agréées « Bonnes pratiques d’expérimentation » pour le compte des firmes (lire l’encadré). Il en fait, de mémoire, la liste à la Prévert : Bayer effectue un essai insecticide d’automne sur pucerons et cicadelles en blé tendre et orge d’hiver, deux essais désherbage d’automne sur blé tendre et un dernier sur colza avec un insecticide sur altise. BASF teste, de son côté, des fongicides contre le phoma du colza, ainsi que plusieurs herbicides sur colza et blé tendre. L’exploitant accueille également trois prestataires : Antédis réalise trois essais fongicides sur blé tendre et un sur colza, SGS teste des fongicides sur blé tendre et colza, et un raccourcisseur en blé dur. Enfin, Promo Vert teste un insecticide d’automne sur blé tendre.
Jean-Jacques Ombredane a « la chance d’avoir une parcelle très propice aux pucerons et cicadelles », dit-il, ce qui lui permet de recevoir des essais insecticides depuis une quinzaine d’années. « Certaines firmes ou prestataires recherchent parfois une flore adventice spécifique, comme des géraniums, ou des variétés de blé plus sensibles à certaines maladies…, explique l’agriculteur, qui est en lien quasi hebdomadaire avec eux. Ils m’appellent pour connaître l’assolement que j’ai prévu, les variétés et viennent faire un tour des parcelles pour choisir la plus appropriée avant les semis. Ensuite, nous signons un contrat qui définit la surface, la culture, le protocole technique et les conditions d’indemnisation. Je m’engage également à leur transmettre l’itinéraire technique de la parcelle qui reçoit l’essai : date de semis, densité, variétés, fumure, traitements… »
Vigilance requise
Ce sont les firmes ou les prestataires de services qui possèdent tout le matériel spécifique de semis, traitement, récolte et qui réalisent les passages. L’exploitant doit, lui, adapter la conduite de sa parcelle selon les essais. « Sur les tests raccourcisseur ou herbicide, par exemple, je dois couper l’arrivée du produit sur la partie de rampe du pulvé qui passe au-dessus de la parcelle d’essai. Concernant les essais insecticides sur pucerons et cicadelles sur céréales, je peux donc traiter au printemps, mais pas à l’automne. Quand il y a plusieurs tests différents dans la même parcelle – insecticide, fongicide, herbicide –, comme cette année, il faut beaucoup de vigilance pour ne pas faire d’impair, au risque de tout compromettre. »
Pour les essais sur l’évaluation de résidus phyto sur les cultures suivantes, l’agriculteur doit adapter la préparation de sol en interculture : une partie en labour, l’autre en non-labour, mais avec un travail superficiel du sol, par exemple. Pour éviter les cas de rémanence des herbicides testés l’année suivante, il devra aussi adapter sa rotation. « Et dans le cas où les herbicides testés n’ont pas été efficaces, il faut que je sois vigilant sur le salissement l’année suivante », souligne-t-il.
Pertes de rendement indemnisées
La plupart du temps, les essais ne sont pas récoltés. Si la parcelle est infestée par des ravageurs ou maladies, ou si des produits non homologués étaient testés, les firmes ou les prestataires s’engagent à détruire la parcelle avec du glyphosate, après les dernières notations. L’agriculteur est alors indemnisé pour la perte de récolte occasionnée, selon la surface, le prix de la céréale ou du colza et le rendement moyen du reste de la parcelle. L’indemnisation prend aussi en compte le temps supplémentaire passé par l’exploitant pour l’essai, lorsque ce dernier nécessite des manœuvres ou du travail spécifique, comme pour le labour et non-labour dans les essais résidus. « Cette année, afin de favoriser les maladies pour les tests fongicides sur colza, j’avais prévu d’irriguer. Là aussi, le temps passé aurait été indemnisé. Il a plu et je n’ai pas eu à le faire. »
Mais ce qui pousse Jean-Jacques Ombredane à renouveler les partenariats d’une année sur l’autre depuis son installation en 1990, ce sont surtout les riches échanges qu’il entretient avec les techniciens des firmes et prestataires. « Nous faisons ensemble le tour des essais et nous échangeons plus globalement sur l’état des cultures, la présence de ravageurs ou maladies sur le témoin et donc la nécessité de traiter ou pas le reste de ma parcelle », ajoute-t-il. Cependant, confidentialité oblige, la plupart des résultats, notamment lorsqu’il s’agit des produits non homologués, ne lui sont pas communiqués.