Faire d’une contrainte une activité économique. Telle pourrait être la devise de l’EARL de Fleury et de ses trois associés, Thomas Cuypers, 47 ans, et ses deux frères, Martin, 44 ans, et Antoine, 38 ans.

L’embauche d’un technicien

En 2012, sans jamais avoir été éleveurs, le trio a décidé d’introduire une troupe de brebis sur l’exploitation de grandes cultures, pour valoriser les couverts végétaux. « L’obligation de semer des Cipan (cultures intermédiaires pièges à nitrates) nous a donné l’idée de les faire pâturer par des moutons, explique Antoine Cuypers, qui s’occupe de l’élevage. Le marché de la viande ovine est porteur, sa production reste déficitaire en France, elle n’est pas parasitée par l’agrobusiness. Tout était à créer. »

D’emblée, ils sont partis sur un élevage de 800 brebis, afin de permettre l’embauche d’un salarié à temps plein, un technicien ovin. « Nous n’avions aucune compétence dans le domaine. Il n’est pas facile de devenir éleveur, c’est un métier. Il faut acquérir une multitude de petits gestes, très simples, mais une multitude quand même. »

 

 

Les animaux pâturent durant neuf mois : avec les repousses de colza à partir du 15 août, puis dans les couverts jusqu’au 15 mai, avant le semis des flageolets. © Blandine Cailliez/Covid
Les animaux pâturent durant neuf mois : avec les repousses de colza à partir du 15 août, puis dans les couverts jusqu’au 15 mai, avant le semis des flageolets. © Blandine Cailliez/Covid

Prairies temporaires et permanentes­

L’investissement s’est élevé à 400 000 euros tout compris, bergerie, troupe et équipements. « Nous avons surtout opté pour des brebis de race romane, prolifique et maternelle, que nous croisions avec des béliers charollais qui représentent le top en viande, note l’éleveur. Nous sommes passés à des béliers meatlinc, une race intéressante pour la viande et facile à élever. »

En plus des 15 ha de prairie temporaire mis en place sur l’exploitation, les associés ont récupéré 20 ha de prairie permanente en location précaire. Une grande part de l’alimentation des brebis provient du pâturage des couverts en interculture - entre 70 et 90 ha chaque année - au sein de la ferme. « Il nous arrive aussi de bénéficier des surfaces de couverts de voisins, jusqu’à une centaine d’hectares si besoin », souligne l’agriculteur de l’Oise. Il donnait aussi des pulpes surpressées qu’il a petit à petit abandonnées au profit de l’enrubannage d’intercultures.

« Nous semons les couverts après le blé, dès la moisson, et devant les betteraves et les flageolets, indique-t-il. Le principe est simple, une moitié de la matière verte est ramenée au sol et une moitié est ingérée par les brebis. De 80 à 90 % de la partie ingérée se retrouvent immédiatement restitués au sol sous forme de matière fécale. »

Des effets positifs sur les rendements

Les Cuypers ont opté pour un pâturage tournant dynamique, avec pose de clôture électrique au quad. « Je vise en général 500 brebis à l’hectare pour 24 à 48 heures, afin que les animaux ne piétinent pas trop le sol, précise Antoine Cuypers. Le pâturage est un catalyseur de la vie du sol. En plus de l’amélioration de sa qualité et de sa structure, nous commençons à voir des effets positifs sur le rendement en grandes cultures. »

Pour faire mieux coïncider la vente des agneaux avec les périodes d’achat, les éleveurs vont passer de trois à deux agnelages par an, du 15 août au 15 septembre et en novembre. Ils comptent aussi garder 30 à 50 % de leurs agnelles produites grâce aux béliers meatlinc, pour le renouvellement et l’agrandissement de la troupe. Les Cuypers valorisent quelques agneaux en vente directe, mais l’essentiel des animaux est vendu à SVA Jean-Rozé, en Bretagne. « Nous manquons cruellement d’abattoirs ovins dans la région », regrette l’éleveur picard.

À côté des bienfaits sur le sol, l’atelier ovin permet à l’exploitation de dégager une marge brute de 50 000 à 60 000 €/an et une marge nette de 20 000 €. « Nous avons également vu revenir les insectes, lièvres et perdreaux dans le parcellaire, indique Antoine Cuypers. L’élevage change le regard de nos voisins. »

Blandine Cailliez